La place de l'IA dans vos recrutements

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Maëlys T.Maëlys T.

4 min

La place de l'IA dans vos recrutements

Dans les grandes entreprises, 15% des recruteurs·ses reçoivent plus de 50 candidatures par poste. Dans ces conditions, la tentation d'automatiser les tâches les plus rébarbatives est forte. Ainsi, l'implémentation de l'intelligence artificielle dans le processus de recrutement est de plus en plus discutée au sein des grands groupes.

Afin d’étudier les interactions entre l'intelligence artificielle et les ressources humaines, mais cette fois-ci du côté des recruteurs, nous allons suivre les aventures de Léandre : le recruteur de Coraline.

De la préparation à la rédaction de la fiche d’emploi

Léandre travaille depuis 5 ans dans une grande entreprise lyonnaise spécialisée dans les applications de rencontre. Pourquoi dans une grande entreprise, et pas dans une petite PME du Loir-et-Cher ? Parce que les fonctions RH sont principalement occupées par les chefs d’entreprise, et qu'il y a beaucoup de candidatures à gérer dans les métropoles.

Comme il faut remplacer l’assistante de direction qui a fait un burn-out, Léandre se retrouve seul pour gérer l’intégralité du processus d'embauche... tout en menant d’autres recrutements en parallèle. Deux solutions s’offrent à lui :

  • Il peut déléguer une partie du processus à une agence de recrutement ou d’intérim. Ceci lui évite un certain nombre d'activités chronophages, et lui garantit de recruter des spécialistes sur ce type de poste. Les agences ont en général un vivier de candidat·es correspondant aux offres.
  • Il travaille en équipe avec un·e ingénieur·e en données, et avec la personne ayant besoin de l’assistant·e de direction. L'objectif : définir les attendus du poste, rédiger rapidement la fiche de poste et établir les premiers critères de présélection.

Comme cet·te assistant·e de direction doit posséder des connaissances spécifiques dans le milieu de la tech, Léandre décide de ne pas le confier à une personne externe.

Une fois que les attentes du poste sont déterminées, il est temps de rédiger l'annonce. Léandre peut utiliser l’historique des offres d’emplois gérées par un progiciel RH, et s'en inspirer. Il peut aussi faire appel à ChatGPT, en lui indiquant les compétences complémentaires attendues. Dès que Léandre a fini de rédiger son annonce, il la publie sur le site de son entreprise et différents sites de recrutement.

Génération d'un offre d'emploi avec ChatGPT

Pour automatiser la rédaction et la diffusion de ses annonces, il peut aussi utiliser un logiciel RH comme Taleez. Comme ils doivent écrire diverses offres et les envoyer à différents sites de recrutement, ces logiciels disposent d’énormes bases de données (soit préétablies par l’éditeur, soit conçues pour le client). En termes de fonctionnalité, ils sont en général accompagnés d’un ATS (Applicants Traffic System), ce qui permet d'enclencher la présélection.

La présélection des candidatures

Ce système de suivi des candidat·es permet de faire le tri parmi les profils, et de présélectionner ceux qui apparaissent comme pertinents. Pour cela, de nombreux critères sont ajoutés par les ingénieur·es de données pour trouver des profils correspondant au poste, aux valeurs de l'entreprise et à l'équipe. Compte tenu de l'abondance de candidatures reçues pour un seul poste, près de 50% des RH se tournent vers des ATS pour automatiser les tâches répétitives. C'est justement sur la partie du matching (la mise en relation des profils compatibles avec le poste) que les solutions IA vont être les plus sollicitées.

Il existe également des applications de web scraping, telles que Data collector. Cet outil visite des pages Web publiques et prend des captures d'écran des éléments les plus pertinents. Le but de ces outils : analyser les informations partagées par les candidat·es en public sur le Web.

Les plateformes de recrutement comme Indeed, Hellowork ou Randstad ont développé des ATS pour que les responsables puissent effectuer une partie voire la quasi-totalité du processus chez elles·eux. Par exemple, l’algorithme CV Catcher met en relation les candidat·es avec les entreprises tout en régulant leur nombre sur une même offre. Des chatbots comme Randy peuvent réaliser une évaluation équivalente à un premier entretien téléphonique grâce à des jeux et des tests de personnalité.

Les entretiens

Finalement, l'outil de présélection a conseillé à Léandre de choisir Coraline pour ce poste. Celle-ci est donc conviée à un ou plusieurs entretiens. Léandre peut décider de la filmer (avec son consentement) afin qu’une IA comme Hirevue identifie ses softs skills et ses capacités voire son langage corporel, ses émotions faciales et son contact visuel. La plupart de ces systèmes sont directement intégrés aux ATS. Léandre dispose alors d'un maximum de données pour déterminer si Coraline sera parfaite pour le poste. A ce moment précis, la décision finale lui revient pleinement, ainsi qu'aux managers. Ils vérifient s'il y a des atomes crochus entre les collaborateurs·rices et le·la candidat·e, après moult filtres utilisés pour trouver l’élu·e de l'entreprise.

Les recruteurs·ses bientôt remplacé·es par des IA ?

Si les IA peuvent, en théorie, automatiser une grande partie du processus du recrutement, les RH restent prudents en matière d'utilisation. En effet, seulement 13% des DRH (directeur des ressources humaines) les utilisent et 34% étudient cette possibilité. Des chiffres certes en augmentation, mais qui restent faibles pour le moment. Principalement parce que les solutions ne sont pas rentables pour les entreprises qui les ont testées. Comme les RH et les ingénieurs doivent surveiller les productions et les résultats des présélections de la solution, cela participe à alourdir le coût administratif d'un·e salarié·e.

A mesure que les solutions RH se démocratiseront, avec une potentielle baisse des prix d'abonnements, faut-il craindre le grand remplacement des recruteurs·ses par les IA ? En pratique, les recruteur·ses restent prudents quant à l'adoption de l'IA dans leurs tâches quotidiennes. Ils surveillent de près les candidatures et travaillent sur le contact humain pour attirer des talents que l'algorithme n'aurait pas détecté... pour des questions de biais ou de faux positifs. Ils continuent donc à intervenir à chaque étape du processus et restent majoritairement disponibles pour répondre aux questions des candidat·es.

Enfin, une question subsiste : au vu de l'ensemble des données recueillies par les entreprises pendant les phases de recrutement, il est important de s'interroger sur la nécessité d'utiliser et de conserver ces informations.

Références :

  1. Hello Work - Enquête : le recrutement et la recherche d'emploi en 2019
  2. Taleez - Multidiffusion d'offres d'emploi
  3. Hirevue - Plateforme de recrutement
  4. Bright data - récupération des données partagées par les candidats sur le Web
  5. CV Catcher - Une solution qui flèche les CV vers les offres les plus adéquates
  6. Randstad - Trouver un emploi en chattant avec Randy
  7. Intelligence artificielle et RH : les DRH français convaincus, mais très prudents
  8. Le coût de la fonction RH explose !

[Photo de couverture : Timon Studler]

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