Moins polluer grâce au télétravail ? Tout dépend comment on s'y prend
Popularisé par la pandémie de COVID-19, le télétravail a transformé les vies de nombreux·ses français·es en limitant leurs trajets domicile-travail, effectués en voiture par 70% de la population. Mais derrière cet avantage se cache une réalité bien moins visible : l’intensification de la pollution due à l'utilisation accrue des technologies numériques.
Travailler sans quitter son domicile : un souhait devenu réalité pour des millions de salariéּּּ·es grâce au télétravail. En 2023, selon l’IGEDD (Inspection Générale de l’Environnement et du Développement Durable), 19% des salarié·es français·es ont adopté le télétravail et choisi de travailler à distance au moins un jour par semaine.
Agir pour la planète sans bouger de son canapé avec le télétravail ?
Depuis quelques années, le télétravail joue un rôle clé dans la réduction de notre empreinte carbone. Selon le Ministère de la Transition Écologique, une journée de télétravail correspond en moyenne à 4,5 kg de CO2 évités.
Plus parlant encore, selon l’ADEME (Agence de l’environnement et de la maîtrise de l'énergie), passer à 3 jours de télétravail hebdomadaire réduirait de 58% les émissions de particules fines issues du trafic routier.
Les bienfaits environnementaux du télétravail ne s’arrêtent pas là : cette pratique, adoptée par 46% des Français·es au sommet de la crise de COVID-19, participe à la réduction significative de la consommation énergétique des entreprises. En effet, toujours selon l’ADEME, lorsque le télétravail s’accompagne de la fermeture des bureaux pendant au moins une journée par semaine, les gains d’énergie (chauffage, ventilation…) peuvent atteindre 20% à 30%.
Bonne nouvelle : ces économies d'énergie se répercutent peu sur la consommation personnelle des télétravailleurs·ses. Selon l’IFPEB (Institut français pour la performance du bâtiment), l’effet rebond résultant d’une hausse des consommations d’énergie dans les logements des salarié·es ne dépasse pas 3,5% à 7%.
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L'effet boomerang du télétravail : moins de déplacements, plus de pollution numérique
Toutefois, si le télétravail apparaît comme un levier écologique prometteur, il n’est pas exempt d’effets rebonds.
Pour évaluer réellement l’impact environnemental du télétravail, il faut prendre en compte les autres effets de celui-ci.
Jérémie Almonsi, chef du service Transports et Mobilité de l’ADEME
D’après une étude de l’agence, la généralisation du télétravail a entraîné un accroissement de la demande en équipements numériques, dont la conception est énergivore et très polluante (200 Kg de CO2eq émis pour la fabrication d’un ordinateur portable). Or l'accumulation d’appareils connectés au sein des foyers participe à l’augmentation des déchets électroniques, parmi les plus polluants.
Toujours selon l’ADEME, la pollution numérique représente aujourd’hui 4,4% de l'empreinte carbone française, à égalité avec le secteur de l’aviation civile. Ce chiffre pourrait être amené à tripler d’ici 2050.
D'après Daria Marchenko, fondatrice de l’application mobile EcoistClub, un·e employé·e qui, durant une année de télétravail, utilise son ordinateur quinze heures par semaine en laissant sa caméra et son micro allumés émettrait l’équivalent d’un parcours de 270 kilomètres en voiture.
Réduire l'empreinte carbone du télétravail : quelles solutions ?
Pour maximiser les bénéfices écologiques du télétravail, il faut agir à différentes échelles. Des labels écologiques tels que TCO Certified (créé en 1992 par l’organisation suédoise TCO Development, et premier label au monde certifiant les technologies informatiques) encouragent les entreprises à privilégier des équipements numériques durables et moins énergivores.
À l’échelle individuelle, adoptez des gestes simples :
- Débranchez les équipements inutilisés : les appareils laissés en charge consomment de l’énergie inutilement, ce qui amplifie vos émissions de CO2… et majore votre facture.
- Privilégiez le Wi-Fi à la 4G/5G pour vos visioconférences ou transferts de données, car il est nettement moins énergivore. Vous pouvez même connecter vos équipements via un câble Ethernet pour réduire encore votre consommation.
- Optimisez vos envois de mails : limitez les destinataires (envoyer un mail à 10 personnes multiplie les dégâts environnementaux de l’envoi par 4) et utilisez des plateformes comme SwissTransfer, permettant de limiter la durée de stockage des pièces jointes.
- Créez des favoris pour vos recherches en ligne : une requête Web depuis votre historique ou vos onglets favoris émet beaucoup moins de gaz à effet de serre qu’une requête sollicitant un moteur de recherche - ou une intelligence artificielle.
- Fermez les onglets inutilisés : les navigateurs actualisent constamment les pages ouvertes, ce qui sollicite des serveurs très énergivores. Il existe également des extensions permettant de mettre en sommeil les onglets non-utilisés, comme Auto Tab Discard.
- Réduisez les émissions de vos réunions en ligne : privilégiez l’audio plutôt que la vidéo, surtout pour les échanges de routine. Une réunion de 10 personnes en visioconférence d’une durée d’1h30 génère environ 1 kg de CO2eq, soit l’équivalent d’un trajet de 8 km en voiture. Il est également important de bien choisir son application de visioconférence. En 2022, l’entreprise nantaise Greenspector a publié un graphique comparant les émissions carbone des différents acteurs du marché (Skype, Zoom, Google Meet…) : les écarts sont stupéfiants.

Comme le rappelle l’étude de l’ADEME, “le télétravail offre un potentiel considérable de réduction de la mobilité avec des effets favorables sur la congestion et les émissions de gaz à effet de serre et polluants”. Néanmoins, la démocratisation de cette pratique va de pair avec des répercussions inattendues : moins de trajets, moins de CO2… mais plus de pollution numérique et de déchets électroniques. Alors pour maximiser les bienfaits du télétravail, adoptons des gestes simples : éteindre les appareils en veille, limiter l’usage de la vidéo ou encore investir dans du matériel éco-conçu.
Références :
- IGEDD – Les impacts territoriaux du télétravail : angle mort des politiques publiques ?
- Ministère de la Transition Écologique – Télétravail : combien de tonnes de CO2 évitées ?
- Agir pour la transition écologique – Le télétravail, ça change quoi pour la planète ?
- Librairie ADEME – Caractérisation des effets rebonds induits par le télétravail
- ADEME Magazine n° 175 Janvier 2025 - Les impacts bien réels du numérique
- Greenspector – L’impact de nos usages en visioconférence sur mobile et PC ! (Édition 2022)
- Firefox Browser Add-ons - Auto Tab Discard
[Photo de couverture : Clay Banks]
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