Vidéos de famille, fiches d'imposition... des données pas si dématérialisées ?

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Solveig TIBYSolveig TIBY

5 min

Vidéos de famille, fiches d'imposition... des données pas si dématérialisées ?

Tout stocker dans le nuage numérique ? Documents personnels, photos de famille, vidéos... autant de tranches de vies sauvegardées et répertoriées sur des milliards de disques durs, disséminés à travers la planète. Derrière cette apparence d'immatérialité se cache un univers bien physique, aux nombreux impacts environnementaux. Des mesures s'imposent : et si on faisait tous·tes un grand nettoyage digital ?

Dématérialisation : action de transformer des supports d’information matériels en supports numériques (Larousse)

Un exemple de dématérialisation ? Le remplacement des documents en papier par des documents numérisés. La dématérialisation permet d'améliorer la rapidité d'accès aux données ainsi que leur disponibilité.

Permis de conduire, démarches administratives, ticket de caisse, facturations d'entreprises ou encore échanges bancaires : notre société tend de plus en plus vers une dématérialisation des données. Mais où vont-elles ? Elles sont stockées dans des datacenters (centres de données), qui rassemblent et gèrent les équipements informatiques et de télécommunication. Ils permettent de stocker, traiter et transmettre des données, en assurant la disponibilité et la sécurité des services.

Selon l'Arcep (Autorité de régulation des communications électroniques, des postes et de la distribution de la presse), le cloud (ou cloud computing), outil permettant l'utilisation de ressources informatiques partagées et configurables via un réseau de télécommunications, peut héberger les données dématérialisées. Le cloud peut être situé dans des datacenters en France ou à l'étranger, ou appartenir à un fournisseur de services cloud.

Illustration centre de données
Source : Infomaniak

Les entreprises, notamment, utilisent les datacenters pour stocker et sauvegarder les données qu'elles manipulent : e-mails, fichiers en ligne, etc. Avec l'essor des services de Cloud (notamment proposés par Amazon, Google et Microsoft), les entreprises peuvent aujourd'hui utiliser les plateformes des géants du numérique. Ceci leur évite une surcharge de travail (sécurisation des serveurs, climatisation...).

Récemment, la CNIL (Commission nationale de l'informatique et des libertés) a donné son feu vert pour le stockage des données de santé des français·es sur les serveurs de Microsoft. Une décision à l'origine de nombreuses réactions, notamment de la part des hébergeurs français.

Carte française référençant les centres de données, présence en région parisienne, lyonnaise, marseillaise, bordelaise, ...

Pollution numérique

Les centres de traitement de données jouent un rôle essentiel dans notre infrastructure technologique, mais leur impact environnemental constitue un véritable problème. Ces datacenters sont en effet consommateurs de ressources (électricité et eau).

Les consommations d’électricité des datacenters [en France] sont évaluées à 11,59 TWh, ce qui correspond à 2,4% de la consommation d’électricité nationale (selon une donnée de l'Agence Internationale de l’Énergie : 474,4 TWh)

Source : ADEME & Arcep

D'autre part, afin de refroidir les serveurs et installations très sensibles aux variations de température, les centres de données utilisent des systèmes de refroidissement à eau. Plus la température est élevée, plus les datacenters consomment de l'eau.

84 millions de litres d'eau

consommés en 2022 par un datacenter de Microsoft situé aux Pays-Bas (4 à 7 fois plus que ce qu'avait annoncé l'entreprise).

Source : Noordhollands Dagblad

La pollution générée par les datacenters représente aussi un défi majeur : les émissions de gaz à effet de serre et les déchets électroniques générés par les datacenters tout au long de leur cycle de vie participent à la pollution de notre environnement.

Même si les opérations réalisées dans les centres de données restent dissimulées aux yeux des internautes, elles n'en sont pas moins faramineuses : elles se comptent chaque jour en milliards de milliards. Voici quelques exemples d'opérations coûteuses :

  • Les jeux en ligne, attirant parfois des millions d'utilisateurs·rices, requièrent une énorme puissance de calcul pour gérer les interactions. Fortnite, un jeu de tir très populaire fonctionnant même sur mobile, demande à ses serveurs de calculer en continu des trajectoires de tir, points de vie...
  • Le montage vidéo / audio en ligne est également très gourmand.
  • Sans parler des requêtes envoyées à une intelligence artificielle.

Avant la démocratisation des usages en lien avec le cloud, les utilisateurs·rices utilisaient de nombreux logiciels fonctionnant sur ordinateur - et surtout, sans Internet. Il n'était alors pas rare que les ordinateurs surchauffent : ils·elles pouvaient alors se rendre compte des ressources requises par leurs manipulations. Avec des serveurs distants, il est devenu bien plus difficile de se rendre compte de l'impact de nos usages.

Pour agir, nettoyez vos données numériques régulièrement

Pour reprendre le contrôle sur vos données et prendre conscience de l'impact de vos usages, il est important de minimiser le recours aux solutions en ligne. Vous ne pouvez pas vous passer de certains services ? Faites-y du tri de temps à autre. Ceci permet de faire de la place sur les disques durs d'un centre de données - voire de plusieurs : vos données sont souvent dupliquées (sauvegardées) dans d'autres centres.

Ce nettoyage contraindra moins les algorithmes (associés à un service) à réaliser des opérations sur votre compte, puisque celui-ci contiendra moins de données. Par exemple : Canva est un service de création graphique en ligne, facile d'accès et possédant une version gratuite. Il n'y a pas de limite : chacun·e peut créer autant de visuels qu'il·elle le souhaite. Pourtant, leur stockage a un impact. Et la recherche parmi tous les contenus exige des ressources de la part d'un processeur pour analyser tous les projets déjà créés. Supprimer ses créations au fur et à mesure participe à réduire l'effort - donc la consommation - du service pour fonctionner.

Deuxième avantage, non négligeable : un compte nettoyé et organisé permet d'être plus efficace, tout simplement car on s'y retrouve plus facilement.

Quels impacts sur les performances du système ?

Le stockage d’un trop grand nombre de données sur nos appareils électroniques peut avoir des conséquences néfastes, comme :

  • Un ralentissement : en cas de stockage excessif, le système d'exploitation doit gérer un volume important de données. Ceci ralentit considérablement les performances des équipements, et entraîne des temps de chargement plus longs pour les applications et les fichiers. Il a également moins de marge de manœuvre pour faire du stockage d'information temporaire. Imaginez un bureau qui déborde de documents : difficile de trouver une page blanche pour écrire dessus sans déplacer les autres papiers.
  • Des difficultés à sauvegarder et gérer les données : l'accumulation de données peut compliquer la sauvegarde et la gestion des données, ce qui accroît le risque de perte de données en cas de défaillance du disque dur ou de corruption des fichiers.

Là encore, pas de secret : un nettoyage numérique s'impose

Il est essentiel qu'un ordinateur / smartphone dispose d'une quantité suffisante d'espace disque disponible pour rester capable d'exécuter les opérations nécessaires (mises à jour, etc). A cet effet, il est possible de :

  • Télécharger un logiciel permettant d’identifier les fichiers les plus lourds : KdirStat (sur Linux), Disk Inventory X (sur MacOS X) ou WinDirStat (sur Windows).
  • Ranger et ordonner les disques durs encombrés. Les disques durs classiques (hors SSD) doivent être défragmentés grâce à des logiciels comme Defraggler, l’outil de défragramentation de base de Windows, ou iDefrag pour les ordinateurs sous MacOS.

Notre société de plus en plus connectée dépend fortement des données. Il est donc impératif de prendre conscience des implications complexes du stockage des données dématérialisées. Entre les défis environnementaux posés par la consommation énergétique des datacenters et l’impact sur la performance des systèmes, il est essentiel d'adopter des pratiques durables et d'investir dans des technologies innovantes.

Références :

[Photo de couverture : Infomaniak]

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