Acheter en ligne ou en boutique : c'est pareil, non ? Pas exactement

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Laurence RogerLaurence Roger

6 min

Acheter en ligne ou en boutique : c'est pareil, non ? Pas exactement

Faire ses courses en ligne, c'est facile : un appareil électronique, une connexion Internet, une carte bancaire et le tour est joué. Tout ça, sans bouger de chez soi. Pourtant, derrière l'apparente simplicité de l'e-commerce, c'est toute une industrie (pas franchement écoresponsable) qui se met en route pour faire apparaître les colis devant notre porte.

L’omniprésence de l'e-commerce et ses conséquences sur la consommation

L'e-commerce plébiscité

Les avancées technologiques ont modifié nos habitudes de consommation. La preuve : les consommateurs·rices, de plus en plus exigeant·es, fréquentent indifféremment sites marchands et boutiques physiques. Ainsi le commerce offline (boutiques physiques situées en ville et/ou dans les centres commerciaux) cohabite avec le commerce online (e-commerce). De ce fait les consommateurs·rices peuvent acquérir tout ou presque, à tout moment et dans le monde entier.

Les plateformes généralistes comme Amazon, Cdiscount et plus récemment Temu, coexistent avec les plateformes spécialisées (Fnac, Darty, Chapitre…) qui combinent parfois site e-commerce et boutiques physiques. Dès lors, il suffit d’une connexion Internet, d’un smartphone ou d’un ordinateur, et d’une carte bancaire à portée de main pour passer à l’achat.

Une croissance fulgurante

Les chiffres parlent d’eux-mêmes : selon la Fevad (Fédération du e-commerce et de la vente à distance), 2,35 milliards de transactions en ligne ont été réalisées en 2023.

159,9 milliards d’euros

ont été dépensés en ligne en 2023 (produits et services inclus).

Source : Fevad

En outre, selon le site d'informations spécialisé LSA, plus de 27 000 boutiques en ligne sont créées chaque année en France.

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Quels enjeux sont au cœur du comportement d’achat en ligne ?

L'e-commerce est plébiscité car il permet une acquisition facile, rapide et efficace de produits et services variés. L’un de ses avantages : simplifier la comparaison des articles, de leur prix et de leurs caractéristiques, puisque l’ensemble de ces données se trouve à portée de clic. Un réflexe aussi adopté par les consommateurs·rices dans les points de vente physiques : il suffit d'un smartphone pour comparer les prix pratiqués sur place avec ceux des produits proposés en ligne.

En termes de prescription (il peut s’agir de forums spécialisés, communautés en ligne, blogs ou encore sites marchands), le numérique joue un rôle majeur :

91%

des consommateurs·rices qui consultent les avis en ligne s’y fient.

Source : Fevad

Des conséquences significatives

Toutefois, l’e-commerce a des conséquences négatives à plusieurs niveaux, comme le démontrent certaines études de l’Ademe (Agence de la transition écologique) et du CGDD (Commissariat général au développement durable).

L'e-commerce pousse à la surconsommation

Entrainé·es par les promotions diverses, relances et retours gratuits, les consommateurs·rices… surconsomment. Les offres sont permanentes :

  • Codes promotionnels sur les sites des enseignes lors d’événements ponctuels ou récurrents (fête des mères, compétitions sportives, etc.).
  • Codes temporaires sur des sites dédiés (comme Radins.com).
  • Périodes promotionnelles en ligne (telles que le Black Friday).
  • Pratique du cashback, permettant aux consommateurs·rices de récupérer de l'argent... lorsqu'ils en dépensent (comme sur le site iGraal).

Les e-consommateurs·rices sont ainsi constamment sollicité·es, ce qui participe à dérationaliser leur comportement d’achat.

Un impact environnemental colossal

140 000 tonnes

de déchets sont générés chaque année par les achats en ligne.

Source : Ademe

Au niveau logistique, la livraison des commandes en ligne a un impact désastreux sur l’environnement. Les déchets s’accumulent, les ressources naturelles utilisées de façon abusive s’épuisent.

Les cartons d’emballage sont souvent démesurément grands par rapport aux objets qu'ils contiennent, tout simplement parce qu’ils sont standardisés. Or le suremballage entraîne du gaspillage. Dans 60 % des cas, le vide représente plus d’un quart du volume de l’emballage, selon une étude réalisée par le fabricant d'emballages DS Smith.

La fourniture d’énergie, notamment d’électricité, contribue fortement aux émissions de gaz à effet de serre. Quant à la fabrication et l’acheminement des produits par camions de livraison (sans parler du retour des colis), ils augmentent l’empreinte carbone des achats en ligne - la production étant généralement externalisée – et subissent la contrainte des délais de livraison de plus en plus courts pour satisfaire les consommateurs·rices.

Conditions de travail dégradées et appauvrissement des relations sociales

Depuis plusieurs années, les conditions de travail des employé·es de l'e-commerce sont régulièrement dénoncées. Arrêts maladie et accidents du travail se multiplient, notamment chez Amazon. Ports de charges lourdes, rythme effréné, pression, impératifs de résultat et surveillance excessive des managers font partie intégrante du quotidien des employé·es d’Amazon.

Sur le plan social, les relations humaines tendent à s’amenuiser puisqu’il existe de moins en moins d’intermédiaires humain·es lors d'un achat en ligne. S'il·elle rencontre un problème ou souhaite poser une question, le·la consommateur·rice doit généralement recourir à une conversation avec un chatbot (programme informatique conversationnel), qui remplace toute interaction humaine.

La viabilité du commerce physique menacée

Concernant l’emploi, les TPE et PME (très petites / petites et moyennes entreprises) de la vente au détail souffrent particulièrement de l’essor de l’e-commerce, notamment dans le secteur de l’habillement.

Sur le plan économique, l'e-commerce peut être tenu responsable de la fermeture de nombreuses TPE (elles sont 13 200 à avoir fermé début 2023) et des licenciements qui en résultent. La viabilité du commerce physique est ainsi inévitablement menacée, particulièrement en centre-ville. D'autant plus que les commerçant·es doivent faire face à de lourdes charges (location du local, stockage…).

Quelles solutions ?

La pandémie de Covid-19 a encouragé le phénomène d’achat via l’e-commerce, du fait de la fermeture des commerces physiques et des contraintes de distanciation sociale. Mais alors que la situation sanitaire est revenue à la normale, celui-ci subsiste et prend de l’ampleur.

Pour autant, vendeurs·ses comme consommateurs·rices peuvent agir pour limiter durablement les impacts de l'e-commerce.

Une optimisation de la livraison des colis

Les commerçant·es peuvent optimiser les livraisons en rationalisant les emballages. Par exemple, en optant pour des colis adaptés : en éliminant du « vide », en modifiant le pliage des cartons et en évitant le suremballage. Il s’agit alors d’obtenir des emballages moins polluants, écologiques, recyclables ou réutilisables – sans toutefois virer dans l’écueil du greenwashing.

Dès la première réutilisation [d’un carton], c’est – 83 % de Co2 !

Jean-Yves Gras, directeur général de la filiale Colissimo

Ces objectifs s’inscrivent ainsi au cœur de la loi AGEC (loi Anti-Gaspillage pour une Économie Circulaire, février 2020), qui impose que 5 % des emballages mis sur le marché soient réemployables en 2025, et 10 % en 2027.

La seconde main, une bonne idée ?

Les e-consommateurs·rices peuvent avoir recours à la seconde main, notamment dans les domaines de la mode, des produits culturels, des jeux, des produits high-tech : les sites comme Leboncoin, Vinted, eBay, Rakuten ou encore Vestiaire Collective en ont fait leur fonds de commerce. Il y en a pour tous les goûts, et la réutilisation des objets peut participer à réduire l’impact négatif du commerce en ligne.

Attention toutefois aux phénomènes psychiques tels que l’addiction : aux prix bas peut s’ajouter un sentiment de déculpabilisation, susceptible d’entraîner des comportements d’achats impulsifs - voire compulsifs.

À vous de jouer !

En tant qu'e-consommateur·rice vous pouvez vous aussi, à votre niveau, réduire l’impact négatif du e-commerce, en :

  • Effectuant un maximum d'achats en boutique physique.
  • Faisant livrer vos colis en point relais au lieu de votre domicile, et en allant récupérer vos achats à pied ou en vélo.
  • Privilégiant les produits fabriqués en France.
  • Vous informant sur critères sociaux et éthiques, le respect de l’environnement des plateformes sur lesquelles vous passez vos commandes.
  • Optant (avec modération) pour l’économie circulaire : produits d’occasion, reconditionnés, recyclés…
  • Rationalisant votre comportement d’achat avec des commandes plus réfléchies, préparées en amont, et vous évitant au maximum de retourner vos colis.
  • Installant l'extension navigateur Anticompulsif, développée par Les Enovateurs, sur les sites e-commerce.

Références :

[Photo de couverture : Dylan Gillis]

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