La bourse ou la vie (privée) : Meta poursuivi en justice pour ses "frais de confidentialité"
Vous préférez payer en euros ou en données ?
30 octobre : le groupe Meta impose aux citoyen·nes européen·es de nouvelles conditions d’utilisation des services Instagram et Facebook. Les utilisateurs·rices doivent désormais choisir entre :
- utiliser le service sans publicités ciblées, moyennant une souscription mensuelle (jusqu'à 12,99€);
- utiliser gratuitement le service, mais en conservant ces publicités ciblées.
Pour justifier ce changement, Meta a affirmé « croire en un internet financé par la publicité, qui permet aux utilisateurs d'accéder à des produits et services personnalisés, quel que soit leur statut économique ».
L’entreprise a également assuré que cette nouvelle proposition était en conformité avec les exigences de protection des données. Ceci, dans la mesure où un arrêt de la CJUE (Cour de Justice de l'Union Européenne) du 4 juillet 2023 avait écarté la possibilité d'utiliser l'intérêt légitime comme base légale pour le traitement de données à des fins de publicité personnalisée. En effet, la Cour a estimé que la position dominante de Meta n'excluait pas le fait, pour cet opérateur de réseaux sociaux, de recueillir valablement le consentement de ses utilisateurs pour le traitement de leurs données.
Cette décision de Meta n’est pas passée inaperçue. L'organisation de protection de la vie privée NOYB (None Of Your Business), fondée par Max Schrems, a porté plainte le 28 novembre dernier auprès de l’autorité autrichienne de protection des données. L'association reproche à Meta d’enfreindre le droit de l’UE, car le montant imposé est inacceptable et parce que cette pratique serait une entrave à la liberté du consentement.
Avec cette nouvelle formule, la souscription mensuelle peut en effet s'élever à 12,99 euros - pour Facebook seulement. À cela s'ajoutent 8 euros supplémentaires pour chaque compte lié (Instagram). Au total, cela représente une facture de 251,88 euros par an pour une personne utilisant ces deux services.
8845.80 €
"frais de confidentialité" annuels pour un utilisateur moyen (possédant 35 applications sur son smartphone, selon les estimations de Google) sur la base des frais appliqués par Facebook / Instagram.
Source : NOYB
Il est important de rappeler que le consentement au traitement des données personnelles doit être libre, spécifique, éclairé et univoque. Puisque les utilisateurs sont incapables ou réticents à l'idée de payer, accepter la publicité ciblée devient donc la seule échappatoire. C'est donc l'antithèse même du consentement libre.
En France, cette affaire est suivie de près par la CNIL (Commission Nationale de l'Informatique et des Libertés), qui a affirmé à l’AFP que "s’il n’appartient pas aux autorités de protection des données de fixer le prix d’un service, elles peuvent en revanche en contrôler la pertinence lorsque que ce prix est l'alternative au ciblage publicitaire".
L’issue de cette plainte sera donc déterminante pour les utilisateurs·rices, avec une décision susceptible d'envoyer un message fort à l'ensemble des géants du net.
Sources :
- NOYB files GDPR complaint against Meta over “Pay or Okay
- Facebook and Instagram to Offer Subscription for No Ads in Europe
- Meta et RGPD : pourquoi l’abonnement payant à Facebook et Instagram pose problème
- Données personnelles: l'abonnement de Meta visé par une plainte en Autriche
- Arrêt CJUE du 4 juillet 2023 affaire C‑252/21
[Photo de couverture : Jan Antonin Kolar]
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