Fake news : rapides à écrire, faciles à diffuser, efficaces pour manipuler
Sur le Web, les fake news brouillent les pistes : partiellement vraies mais exagérées, ou complètement fabriquées, elles compromettent l'accès à une information de qualité. Voici comment les repérer.
Le terme fake news est un anglicisme tombé dans le langage courant. Il désigne une information fallacieuse, produite par une personne ou des groupes de personnes aux intérêts souvent multiples.
La forme de ces fake news suit des traits caractéristiques : elle se base sur une certaine vraisemblance. Pourtant à chaque fois, l’intention est la même : manipuler. Quant à leurs motivations, parfois révélées a posteriori, elles sont disparates... mais il s’agit souvent d’exercer une influence sur le public.
L’impunité relative assurée sur Internet, malgré des palliatifs mis en place (mais qui peinent à produire leurs effets), explique la recrudescence relative de ces phénomènes. Il existe cependant des solutions pour s’en affranchir et retrouver l’authenticité des faits derrière l’apparat des mots et des annonces chocs.
Un problème ancien, amplifié par les réseaux numériques et la vitesse de diffusion des informations
Un regard en arrière permet de se rendre compte que le phénomène de désinformation n’est pas nouveau. Ce qui change, c’est la caisse de résonance qu’assurent les médias comme les réseaux sociaux. Ainsi que la possibilité quasi irrépressible pour chacun·e de publier sur Internet ce qu’il·elle pense, en vertu de son opinion et non d’une vérité établie, étudiée et investiguée.
En des temps reculés, l’information distordant la vérité des faits utilisait les canaux de la rumeur ou du on-dit, avec des conséquences limitées. L’arrivée des titres de presse à grand tirage change la donne au XIXème siècle. L’affaire Dreyfus (de 1894 à 1906) en est un exemple significatif, tant les informations colportées alors ont pu être contradictoires et écrites à dessein.
L’ère numérique, auparavant perçue comme un espace démocratique où chacun·e avait la possibilité de s’exprimer et de s’informer, a pris des penchants incertains. En cause ? L’amplification gigantesque de la diffusion d’un écrit qui se veut plausible et… la crédulité ou l’innocence de celles·eux qui le prennent pour argent comptant. « On » a tendance à croire à ce qu’on lit : il s’agit d’un biais cognitif, à plus forte raison quand ce qu’on lit joue sur l’émotionnel, le sensationnel, l’exclusif ou le retentissant.

De manière plus insidieuse, il existe tout un pan du Web qui se consacre aux théories du complot et qui, sous un jour de confidentialité, entend porter une vérité, incontestable car contestée (à défaut d’être contextualisée).

Des traits évocateurs et des difficultés à faire la part du vrai et du faux
La fake news vise à contrefaire tout ou partie d’une vérité à des fins dissimulées. Pour ce faire, elle use de ficelles, de tips (astuces) ou tricks (ruses). Elle se présente le plus souvent sous un jour accrocheur, avec un gros titre qui capte l’attention du·de la lecteur·rice et l’incite à cliquer.

Les émetteurs·rices de fakes news ont aussi pour but de charmer les algorithmes des moteurs de recherche, y en adjoignant photos, vidéos et mots-clés significatifs. La désinformation reprend souvent les codes de la presse établie (charte graphique, conception web, liens…).
User en supplément des plates-formes numériques connues (Facebook, X, Instagram…) permet de crédibiliser l’infox diffusée. Enfin, le tout peut s’associer à une démarche de phishing si des données personnelles sont demandées, pour ensuite être collectées et utilisées à l’insu des personnes.
Les fake news sont d’autant plus difficiles à discerner qu’elles s’accompagnent et s’environnent souvent de bribes d’informations vérifiées, qui viennent étayer le prétendu sérieux ou la véracité de leur contenu. Et si leur forme et leur nature sont comparables, les motivations qui les sous-tendent sont, elles, disparates.
Induire en erreur pour causer du tort ou magnifier une situation
Dans bon nombre de cas, il s’agit de décrédibiliser une personne, un Etat ou une institution. L’élection présidentielle américaine de 2016 a ainsi vu fleurir les fake news lors de la campagne qui opposa Hillary Clinton à Donald Trump. Le réseau social Twitter avait, à l'époque, identifié plus de 50.000 bots russes chargés de diffuser des contenus prévus pour influencer les élections présidentielles américaines de 2016. Le même Twitter, devenu X, plus tard racheté par Elon Musk dans le but de ’libérer la parole bridée’.
Embellir une marque ou un procédé est un second but. Une information enjolivée, c’est un peu comme... maquiller les comptes d’une société cotée en bourse pour que son cours d’échange ne chute pas. On se trouve à la frontière entre désinformation et action publicitaire. A cet égard le cas de la société Tefal, relevé par l'association Génération Futures et relayé par le site Reporterre, est significatif.

De manière plus anecdotique, avec parfois des conséquences tout aussi problématiques : certain·es influenceurs·ses, sous prétexte de vanter un produit (cosmétique ou autre), délivrent une information erronée ou trompeuse. Ils·elles réalisent pourtant des placements de produits s’apparentant à une activité publicitaire. Récemment, le législateur a pris conscience du problème et a voté une loi qui encadre cette profession en France.
Si la manipulation est avérée, le mobile est souvent politique, commercial, religieux ou autres. Il peut s’agir aussi tout bonnement d’accentuer le nombre de passages sur un site Web, de façon à rentabiliser la publicité qui s’y trouve.
Le Web à l’heure des remises en question
Sous le feu des critiques, les géants du Web ont été contraints de développer des programmes permettant à leurs utilisateurs·rices de faire le tri entre les informations vérifiées et celles relevant de la mésinformation, voire de la désinformation.
Par exemple, Google Actualités a aménagé sur sa page d’accueil un espace de fact-cheking (rétablissement de la vérité).

Le·la lecteur·rice peut désormais signaler un article, comme sur un réseau social classique. Le verdict ? Du vrai au faux, en passant par des nuances, ou la qualification de "trompeur". Là encore, il faut avoir en tête la distance qu’il peut y avoir à juger des informations en ayant recours à des mots médians, à plus forte raison saucissonnés en rubriques rigides…
Certains médias proposent également ce type d'outils. France Info, par exemple, a installé sur son site une rubrique Vrai ou Faux.

Des solutions pour y voir plus clair
S’armer de patience et recouper ses sources semble primordial. Il n’est pas conseillé de s’en remettre à un seul vecteur d’information. Ensuite, il faut s’intéresser au langage employé : le registre est-il neutre, enjolivé, à charge ?
Enfin, il peut être opportun de s’interroger, désormais, sur l’utilité de tout savoir sur tout et tout le monde. Ainsi que sur le fait de se sentir juge, ou mentalement responsable, de situations qui se passent à l’autre bout du globe avec les risques de déstabilisation personnelle, psychiques et sociétaux que cela implique.
De plus en plus de personnes et d'organismes incitent d'ailleurs à préserver sa santé mentale en faisant une diète des réseaux. Un remède à l'infobésité ambiante qui vaut le coup d'être exploré : ce n'est pas un hasard si le droit à la déconnexion est entré en vigueur dans la législation française en 2016. Une habitude à transposer dans sa vie privée...
Références :
- Arte - Désintox : "7500€ pour dénoncer un sans-papier ?"
- AFP Factuel - Non, le projet de recherche HAARP n'a pas provoqué les aurores boréales de mai 2024 visibles à travers le monde
- X - Update on Twitter’s review of the 2016 US election
- Reporterre - PFAS : les pubs de Tefal frisent la « désinformation »
- Légifrance - Loi n° 2023-451 du 9 juin 2023 visant à encadrer l'influence commerciale et à lutter contre les dérives des influenceurs sur les réseaux sociaux
- France Info - Vrai ou Faux
- Légifrance - Loi n° 2016-1088 du 8 août 2016 relative au travail, à la modernisation du dialogue social et à la sécurisation des parcours professionnels
[Photo de couverture : Martin Sanchez]
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