Thérapie digitale : quand le numérique se préoccupe de votre santé mentale
Avec l’essor des applications dédiées à la santé mentale, le numérique s’impose comme un nouvel allié pour les patient·es. Méditation, suivi de l’humeur, thérapie en ligne… ces outils digitaux proposent un accompagnement quotidien et ouvrent de nouvelles perspectives, en complément du suivi par un·e professionnel·le.
Le gouvernement investit dans la santé des français·es :
7,5 milliards d'euros
ont été consacrées à la prévention par l’État en 2023.
Source : DRESS (Direction de la recherche, des études, de l’évaluation et des statistiques)
Le Grand Défi « Dispositifs médicaux numériques en santé mentale » vise ainsi à faire émerger des technologies de santé numériques innovantes en santé mentale et en psychiatrie. Son plan d'action a été rendu public le 18 juin 2024.
Initialement mis en place dans le contexte de la pandémie du Covid-19, ce dispositif représente un enjeu d'ampleur en termes de santé publique. Quels leviers numériques sont mis en place dans le domaine de la santé mentale, et quels sont les écueils à éviter ?
Santé mentale : définition préliminaire et état des lieux
Définition
La notion de santé mentale définie par l’OMS (Organisation Mondiale de la Santé) regroupe deux principales acceptions :
- La santé mentale est un « état de bien-être qui permet à chacun de réaliser son potentiel, de faire face aux difficultés normales de la vie, de travailler avec succès et de manière productive, et d’être en mesure d’apporter une contribution à la communauté. »
- « La santé mentale est un état qui varie tout au long de la vie en fonction de facteurs qui nous sont extérieurs […] mais également de facteurs davantage personnels […]. C’est donc une ressource qui peut se dégrader à force d’expositions à des facteurs socio-environnementaux. »
État des lieux
13 millions de français·es
sont concerné·es par les maladies mentales
selon l'OMS (Organisation mondiale de la santé)
Anxiété, troubles dépressifs majeurs, schizophrénie et troubles bipolaires : autant de troubles demandant un accompagnement différent.
Santé Publique France relève trois axes majeurs dans le cadre de la prévention et la promotion de la santé mentale :
- « Promouvoir le bien-être et prévenir les troubles,
- Identifier et orienter [les patient·es] précocement afin que les troubles ne s’installent, s’aggravent et deviennent chroniques,
- Améliorer la qualité de vie des personnes atteintes de troubles. »
Les nouvelles technologies ont permis l’émergence d’innovations numériques dans le domaine de la santé mentale. Ceci permet aux professionnel·les, via certains algorithmes, d’élaborer puis de proposer des traitements sur-mesure répondant aux problématiques des personnes souffrant de troubles mentaux. Il s’agit principalement d’analyser les données collectées, via les applications dédiées disponibles sur les appareils électroniques (smartphone, montre connectée...).
Une typologie des applications
Entre 10 000 et 20 000
applications de santé mentale seraient disponibles sur les plateformes.
selon l'association américaine de psychologie en 2021
Pour mieux se repérer, voici les quatre principaux types d'applications dans ce domaine :
Pleine conscience et méditation
- Exemples d’applications : Headspace, Calm
- Objectifs : Réduire le stress, améliorer le bien-être mental
- Méthodes :
- Pratique de la relaxation
- Exercices de méditation guidés
- Exercices de respiration
Auto-assistance et thérapie cognitivo-comportementale (TCC)
- Exemples d’applications : MoodKit, Sanvello, Happify
- Objectif : Déconstruire les schémas de pensée et comportements négatifs
- Méthodes :
- Identifier les pensées et comportements problématiques
- Comprendre leur origine et leur impact
- Restructurer ces schémas pour favoriser un état d’esprit plus positif
Suivi de l’humeur et des symptômes
- Exemples d’applications : Moodfit, Verywell Mind, Daylio, Mood Tools
- Objectifs : Prendre conscience de ses émotions, détecter ses variations d’humeur
- Méthodes :
- Surveiller et enregistrer ses émotions et son état d’esprit quotidiennement
Accès à des professionnel·les et à des pair·es
- Exemples d’applications : TalkLife, Peer Collective, HeyPeers
- Objectif : Offrir un espace de partage et de soutien émotionnel
- Méthodes :
- Mise en relation avec une communauté d’individus vivant des expériences similaires
- Connexion avec des conseiller·es spécialisé·es
Données extraites de l’article « Numérique et santé mentale : le boom des applications mobiles » (Alcimed)
Les apports des applications numériques en santé mentale
A quelle étape du parcours des patient·es ces applications peuvent-elles intervenir ? Dans le domaine de la télésanté (ou thérapie à distance), elles consistent à personnaliser les traitements, adaptés sous forme d’exercices, grâce aux biomarqueurs. Il s'agit de caractéristiques biologiques permettant de vérifier si une maladie apparaît puis évolue chez un·e patient·e. Un biomarqueur mesure également les effets d'un traitement.
Selon le site de la CPAM (Caisse Primaire d’Assurance Maladie), la télésanté ou thérapie à distance présente plusieurs objectifs : prévenir, diagnostiquer, traiter / guérir, suivre / soutenir.
Les applications se caractérisent par leur facilité d’utilisation, leur discrétion ainsi que leur absence de stigmatisation : nul·le n’est jugé·e. Elles offrent davantage de facilité à communiquer et des soins personnalisés. Par exemple, certaines personnes ont un accès limité aux soins parce qu'ils·elles sont isolé·es et ne peuvent se rendre chez le médecin.
Autre exemple : l'application SIMPLe+, déployée dans le cadre d'un programme de recherche franco-espagnol consacré à la santé mentale. Celle-ci propose aux personnes souffrant d'un trouble bipolaire une réponse à leurs difficultés via un double appui : psychoéducation et auto-évaluation. Le point de départ pour utiliser l'application repose sur les variations de l'humeur de l'utilisateur·rice. Ils·elles peuvent suivre leur sommeil, énergie, irritabilité et traitement. Autant de données qui leur permettent ensuite de profiter de conseils psychoéducatifs personnalisés.

Les limites des applications consacrées à la santé mentale
Malgré l'engouement suscité par ces applications, et le besoin profond d'accompagnement varié des troubles en santé mentale, ces formes numériques de support ne sont pas une panacée. En effet, il existe quatre points sur lesquels les utilisateurs·rices doivent se montrer particulièrement vigilant·es :
1. Face à des informations incomplètes sur les effets des applications, il s’avère difficile de mesurer leur fiabilité ainsi que leur efficacité.
2. Les applications ne remplacent aucune thérapie réalisée par des professionnel·les agré·ées, dont l’expertise ne peut être suppléée. On note aussi une absence de surveillance professionnelle.
3. Les cyberattaques poussent à se montrer vigilant en ligne. Pourtant, les personnes âgées ou en situation de handicap restent vulnérables face à la cybermalveillance.
4. Les entreprises propriétaires des applications peuvent faire un usage abusif des données privées : confidentialité et sécurité posent ainsi de réels problèmes.
Comme le rappelle l’OMS, la e-santé est définie comme regroupant « les services du numérique au service du bien-être de la personne ». Or certaines politiques de confidentialité des applis sont vagues, et les données collectées par les applis peuvent être partagées avec des tiers, bien qu’il s’agisse là de pratiques contraires à l’éthique et à la loi (telle que le Règlement Général sur la Protecion des Données).
Enfin, il est crucial de souligner que si un·e praticien·ne peut se voir reprocher d’avoir proposé « un remède ou un procédé illusoire ou insuffisamment éprouvé » (ART. R.4127-39 du Code de la Santé Publique), le risque est démultiplié sur les applications conçues par des entreprises. En effet, développer et promouvoir des applis de santé mentale coûte cher et repose sur un important support marketing... qui nécessite une rentabilité et un retour sur investissement. Or il arrive que l'efficacité réelle du service proposé ne soit pas à la hauteur.
Recommandations
Avant de télécharger une application
Recherchez des informations sur la sécurisation des données et sur la fiabilité de l'application.
Téléchargez ces applications depuis des stores officiels tels que l'App Store et Google Play.
Référez-vous à la politique de confidentialité de l'application avant de l'installer sur votre appareil. Et de manière générale, faites attention aux données que vous partagez en ligne.
Dans le domaine de la santé (mentale, notamment), prenez garde aux applications gratuites.

Sur les applications que vous avez téléchargées et utilisez régulièrement
- Certaines demandent un accès à votre localisation en permanence :
- ajustez les réglages dans votre téléphone pour éviter que votre position soit constamment transmise à des services tiers. Idem pour d'autres autorisations : une application de santé mentale n'a pas nécessairement besoin d'accéder à votre appareil photo ou à votre liste de contacts, par exemple.
- Mettez régulièrement à jour ces applications pour éviter tout piratage.
- Pour vous connecter, utilisez une adresse mail et un mot de passe complexe pour préserver vos informations confidentielles.
- Supprimez les applications qui ne vous servent plus.
Dans le cadre de la santé mentale, une application ne remplace pas un·e professionnel·le de santé. Ces outils numériques présentent des caractéristiques potentiellement intéressantes. Elles n'en exigent pas moins un usage raisonné et raisonnable.
Références :
- DREES.gouv.fr - Les dépenses de santé en 2023 - Résultats des comptes de la santé - Édition 2024
- Santé.fr - La prévention en santé mentale
- OMS - Troubles mentaux
- Alcimed - Numérique et santé mentale, le boom des applications mobiles
- SIMPLe+ France - Troubles bipolaires
- JDN - Comment les applications de santé mentale menacent notre vie privée
- France 2030 - Développer et produire les dispositifs médicaux de demain
- CNIL - Applications mobiles en santé et protection des données personnelles : les questions à se poser
- American Psychological Association - Mental health apps are gaining traction
[Photo de couverture : Getty Images]
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