Entreprises, passez au numérique responsable : les arguments de l'association Boavizta sont convaincants

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Jérémy PASTOURETJérémy PASTOURET

4 min

Entreprises, passez au numérique responsable : les arguments de l'association Boavizta sont convaincants

21 décembre 2023 : l'association Boavizta publie une étude intitulée "Numérique responsable - Comment embarquer votre hiérarchie ?". Les bénéfices de la démarche sont multiples : réduction de l'impact écologique et de la consommation de ressources, meilleure attractivité des talents en tant qu'employeur... autant d'arguments à faire valoir auprès des entreprises.

Boavizta est une association française, indépendante et inter-organisation. Sa mission débute en décembre 2020 avec le lancement du projet Environmental Footprint Data. L'objectif : collecter des informations sur les notices des constructeurs d'équipements numériques pour calculer leur impact. Afin d'accéder plus facilement aux données, les membres de l'association ont conçu un service Web nommé Datavizta. Aujourd'hui, l'association rassemble de plus en plus de membres et poursuit son but de fournir toujours plus de chiffres et d'études sur l'impact du numérique.

En 2023, un groupe de travail s'est penché sur les entreprises ayant entrepris une démarche de réduction de leur impact numérique.

2021 1er phase d'entretiens - Septembre 2022 / Janvier 2023 Questionnaire - Fevrier/Avril 2023 Analyse et restitution - Avril/Juin 2023 entretiens
Source : Boavizta - Numérique responsable, comment embarquer votre hiérarchie ?

Pour réaliser cette étude, l'équipe de Boavizta a réalisé plusieurs itérations sur une année pour obtenir le livrable actuel.

Julien Rouze, chef de chantier de cette étude, et Océane Puech, collaboratrice de l'étude (de la conception des questionnaires en passant par les entretiens jusqu’à la réalisation du livrable) partagent leurs conclusions à l'issue de ce travail.

On a voulu quelque chose de représentatif de la situation actuelle : des grandes entreprises, des sociétés de conseils en informatique et des éditeurs de logiciels. Un mélange de TPE (très petites entreprises) , PME (petites et moyennes entreprises) et ETI (entreprises de taille intermédiaire).

explique Julien Rouze.

Ces travaux révèlent une tendance forte du numérique responsable :

Cela facilite le recrutement de personnes compétentes et motivées. Ces profils n'ont pas forcément des compétences GreenIt mais ils souhaitent s'engager, tout comme leur entreprise.

indique Océane Puech.

L'étude met également en lumière les vecteurs d'impulsion d'une telle démarche :

Tout part souvent des collaborateurs qui s'organisent entre eux, puis créent une task force (groupe de travail) numérique responsable qui prend de l'ampleur au fur et à mesure. Jusqu’à arriver au comité de direction, qui prend acte de leur mouvement et donne son accord pour poursuivre la démarche.

précise Julien Rouze.

L'étude ne précise pas les profils des personnes jouant ce rôle moteur au sein des structures - à l'exception des métiers consacrés au développement numérique (développeurs·ses, devops...). Un secteur en concurrence avec les récentes avancées des intelligences artificielles en matière de génération de code informatique.

Ce sont souvent des personnes liées à la DSI (direction des systèmes d'informations), très technophiles, et qui se rendent compte à un moment donné que le numérique consomme beaucoup. En tant que passionnées, elles créent des choses tangibles, plus facile à accepter par le comité de direction. Par exemple, elles arrêtent de laisser leur ordinateur en veille toute la nuit.

selon Julien Rouze.

Le numérique responsable serait donc une solution face à la crainte qui gagne de nombreux·ses développeurs·ses et professionnel·les dans le monde du numérique. Un retour aux sources, à la base du code pour proposer des solutions plus légères et bas carbone. Un nouveau challenge à la hauteur des technophiles les plus passionné·es. Ainsi, se positionner à l'opposé d'une intelligence artificielle gourmande en énergie et produisant un code dénué d'intention serait la clé pour de nombreux·ses développeurs·ses.

Ces dernières années, les langages informatique et frameworks n'ont cessé d'évoluer et de se démultiplier, avec la volonté de rendre ce métier toujours plus accessible et facile à apprendre. Résultat : ces systèmes constituent des couches et des surcouches de développement qui alourdissent nos systèmes informatiques, consommant beaucoup plus d'énergie qu'ils ne le devraient.

A l'heure des solutions no-code, ou des services de construction de sites uniquement par texte assisté par IA, un retour artisanal au code par le prisme du numérique responsable pourrait rééquilibrer la situation.

RÉGLEMENTATION 12% des répondants ont considéré que cet argument avait été à l’origine de leur démarche de Numérique Responsable - ROI FINANCIER 38% des répondants ont considéré que cet argument avait été à l’origine de leur démarche de Numérique Responsable - DIFFÉRENCIATION 53% des répondants ont considéré que cet argument avait été à l’origine de leur démarche de Numérique Responsable - MARQUE EMPLOYEUR 62% des répondants ont considéré que cet argument avait été à l’origine de leur démarche de Numérique Responsable
Source : Boavizta - Numérique responsable, comment embarquer votre hiérarchie ?

L'équipe de Boavizta a cependant constaté, au cours de l'étude, que l'argument financier (retour sur investissement) était peu cité parmi les points positifs d'une démarche de numérique responsable. L'association ne s'en étonne pas outre mesure, puisque les entreprises questionnées se trouvent au début de leur transition et n'ont pas encore implémenté les outils adéquats pour suivre les changements.

Dans les entreprises étudiées, il y avait très peu de pilotage ou de suivi d'indicateurs sur le numérique responsable. C'est pour cette raison que notre travail n'est pas terminé. On va réaliser un référentiel (d'impact, de moyen, de résultat) qui permettra de couvrir un champ d'indicateurs que les entreprises pourront utiliser en fonction de leur contexte. Ce référentiel sera bien entendu Open Source. Il permettra de questionner à nouveau les entreprises et de mieux les comparer.

détaille Océane Puech.

A l'issue de l'étude, des chiffres significatifs commencent à apparaître. Certaines entreprises ont fait part de données intéressantes :

-40 %

d'électricité consommée par l'un des sites d'Ubisoft (éditeur français de jeux vidéos).

Source : Boavizta - Numérique responsable, comment embarquer votre hiérarchie ?

Soit une économie potentielle supérieure à 1M€ par an, grâce à la mise en veille des espaces de travail et l'allongement de vie des équipements numériques. Julien Rouze partage les enseignements tirés d'une interview menée avec une salariée d'Ubisoft :

Pour y parvenir, il a fallut 3 ans à une nouvelle personne recrutée pour être placée directement au sein de la DSI, avec comme mission de réduire l'empreinte environnementale. Celle-ci a dû créer son réseau en interne, évangéliser la thématique du numérique responsable puis passer à l'action.

10 000

téléphones fixes IP retirés dans une grande entreprise du secteur de l'aéronautique, soit l'équivalent de la fermeture d'un datacenter.

Source : Boavizta - Numérique responsable, comment embarquer votre hiérarchie ?

Arguments en faveur du déclenchement d’une démarche NR - 93% Préoccupations environnementales - 62% Renforcement de la marque employeur - 53 % se distinguer de la concurrence - 27% maîtrise des coûts
Source : Boavizta - Numérique responsable, comment embarquer votre hiérarchie ?

Finalement, l'équipe de Boavizta se déclare optimiste sur le fait que les entreprises entament ou poursuivent une démarche de numérique responsable - que ce soit pour des questions écologiques, financières ou réglementaires. Leur livrable constituera peut-être un moteur pour inciter de nouvelles entreprises à sauter le pas. Océane Puech conclut :

On a voulu des arguments concrets pour les salarié·es. Ils·elles peuvent télécharger le livrable et consulter les arguments propre à leur typologie d'entreprise. Il leur reste à les personnaliser et à s'appuyer sur le livrable de Boavizta pour convaincre leur dirigeant·e et démarrer plus rapidement la démarche.

Sources :

[Photo de couverture : Sascha Bosshard]

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