Numérique, réseaux sociaux, NFTs : passage obligé pour les artistes ?

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Solveig TIBYSolveig TIBY

9 min

Numérique, réseaux sociaux, NFTs : passage obligé pour les artistes ?

Le numérique constitue un outil incontournable pour les artistes en quête de visibilité. Des réseaux sociaux aux galeries en ligne, en passant par le streaming, les outils digitaux permettent d’atteindre un large public au-delà des frontières géographiques.

En quelques clics, les créateurs·rices partagent leur travail, interagissent avec leur communauté et surtout bénéficient de la viralité propre à Internet. Le numérique occupe une place de plus en plus importante dans le secteur culturel, notamment pour la reconnaissance et le succès des artistes.

Réseaux sociaux : un tremplin ?

Pour se faire connaître, certain·es artistes utilisent les réseaux sociaux qui correspondent à leur type de création : les créateurs·rices visuels (illustrateurs·rices, peintres, sculpteurs·rices, etc.) vont se diriger vers Instagram et Pinterest, tandis que les chanteurs·ses ou les musicien·nes se rapprochent plutôt de TikTok ou de plateformes comme YouTube.

Une artiste sur instagram qui a réalisé une vidéo en accélérant le temps de lecture sur sa manière de crée une oeuvre.
Publication sur le compte Instagram de l'artiste @maritaliivak

Les réseaux sociaux sont désormais un moyen presque incontournable, pour les jeunes artistes, de débuter et de développer leur notoriété en atteignant un premier public. Ceci, sans être dépendant de galeries ou de salles de spectacle, et en gérant leur diffusion eux·elles-mêmes.

Yoa - une jeune artiste sur Youtube qui a 7.6k abonnés et qui a lancé son album
Chaîne YouTube de l'artiste Yoa

Les réseaux sociaux offrent également un espace d’échange, où les internautes peuvent interagir avec les artistes grâce aux commentaires et aux likes. Celles·eux-ci peut ainsi développer une relation avec leur audience. Au-delà de la création d’une communauté, les réseaux sociaux offrent un espace où les potentiel·les client·es sont prêt·es à acheter une œuvre à l'artiste, et des structures se montrent intéressées par son travail.

De plus, les artistes sont capables de promouvoir elles·eux-mêmes leurs œuvres ou leurs événements (concerts, expositions, etc.). En outre, les réseaux sociaux sont aussi utiles aux créateurs·rices pour analyser, mesurer l’engagement, l’impact de leurs publications, et ajuster leur stratégie de communication.

Par ailleurs, les réseaux sociaux offrent l'occasion aux artistes d'entrer en contact avec d’autres créateurs·rices ou des professionnel·les du secteur artistique : autant d'opportunités pouvant mener à des collaborations ou des partenariats. Plus la présence en ligne de l’artiste est forte, plus il·elle a de chance de se faire repérer et contacter par des agences, des galeries, des maisons de disques... et voir sa carrière prendre un nouveau tournant.

Certaines plateformes, comme Instagram, offrent la possibilité aux artistes de vendre leurs œuvres, via une boutique en ligne ou des liens vers des plateformes d’achat. Ils·elles peuvent également recevoir des dons de la part de leur communauté, grâce à des plateformes telles que Patreon ou Tipee : les artistes inscrit·es y partagent leur travail, créent une communauté et gagnent de l’argent grâce à leurs œuvres (vidéos, podcasts, illustrations, musiques...).

Allan Barte un auteur de BD collecte 669€/mois avec 109/tipeurs (donateurs) pour son travail
Page Tipee du dessinateur de presse Allan Barte

Enfin, les réseaux sociaux peuvent stimuler la créativité en incitant les artistes à innover et à créer de nouveaux formats (stories, vidéos courtes, etc.) et à expérimenter de nouvelles techniques.

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Plateformes : le prix à payer pour se faire (re)connaître

Bien que les réseaux sociaux mettent en lumière les artistes, ils favorisent également la diffusion de contenus rapides et attrayants. Cela peut pousser les créateurs·rices à privilégier l’apparence immédiate de l’œuvre plutôt que son sens profond. De plus, la nature instantanée des réseaux sociaux amène à une consommation rapide et superficielle de l’art. L’œuvre d’art pourrait alors être dévalorisée en étant considérée comme un simple contenu.

D'autre part, sur les réseaux sociaux, les posts des artistes peuvent rapidement se noyer dans la masse de contenus publiés en ligne. Il devient alors difficile pour les créateurs·rices de se démarquer. Compliqué dans ces conditions de ne pas se comparer aux autres... à terme, la créativité peut être impactée et la confiance en soi mise à rude épreuve.

Résultats correspondant à la recherche "art abstrait" sur Instagram

Par ailleurs, l'exposition en ligne et la création d'une communauté est un travail de longue haleine. Il s'agit d'une entreprise nécessitant une expertise en communication que beaucoup d'artistes ne possèdent pas forcément, ou n'ont pas nécessairement envie d'acquérir. Outre la pression de la visibilité et de la régularité, gérer sa propre promotion et maintenir une relation avec son audience sont des compétences qui demandent beaucoup de temps et d'énergie. Ces aptitudes ne sont pas forcément compatibles avec le processus créatif : de quoi engendrer une contrainte ou un stress supplémentaire.

Autre problématique : la diffusion massive d'œuvres sur Internet expose les artistes au risque de voir leur travail plagié par d'autres créateurs·rices - ou par des intelligences artificielles. Ces dernières s'appuient en effet sur des contenus déjà existant pour générer de nouvelles œuvres. Or la régulation de ces pratiques n'étant pas encore claire, les artistes se retrouvent souvent vulnérables face à cette nouvelle manière de produire de l'art.

La généralisation du numérique dans la culture pose aussi de nouveaux défis, tel que celui de la gratuité. De plus en plus d'artistes proposent leurs œuvres directement aux consommateurs·rices de culture en passant par des plateformes. Or cette plateformisation de la culture et de l’économie transforme les modèles d’offres. Travailler gratuitement et diffuser son travail en ligne sans rémunération semble difficilement tenable et pourrait nuire à la durabilité des carrières des artistes.

Si ces derniers partagent leur travail sans contrepartie financière, le public risque de s’habituer à percevoir la culture et l'art comme des biens gratuits. Cela entraîne la possibilité que la rémunération des artistes devienne de plus en plus rare, ou soit perçue comme non nécessaire. Or travailler gratuitement pendant des années crée une situation précaire pour les artistes, notamment pour celles·eux qui ne bénéficient pas de sources de revenus complémentaires. A terme, ce modèle conduit à dévaloriser la culture et réduit l’envie de payer pour voir des œuvres. L’art est un travail créatif qui nécessite du temps, du talent et un investissement personnel très important. Payer pour voir les œuvres et rémunérer les artistes est donc essentiel.

Les NFTs : une solution numérique viable pour rémunérer correctement les artistes ?

Un Nft représentant un pingouin dont le prix (au moment de la capture d'écran) est de 0.912 ETH (etherum) soit 2 551$ et l'enchère se termine 1 mois plus tard
Achat d’œuvre sur Opensea.io

Apparus en 2017 et utilisés par certains e-artistes pour vendre leurs œuvres, les NFT (non-fungible tokens - jetons non fongibles) sont des jetons numériques permettant d’authentifier des fichiers numériques (images, vidéos, tweets) via la blockchain.

La blockchain est une technologie de stockage et de transmission de l'information, transparente et décentralisée, qui permet de valider et sécuriser n'importe quel échange de données.

Source : Larousse

Les NFT garantissent l'unicité des œuvres et empêchent leur duplication. Il s’agit d’une véritable révolution pour les artistes numériques, qui ont désormais un moyen de monétiser leur travail afin de toucher des commissions à chaque revente, contrairement au marché de l'art traditionnel. Les NFT transforment les industries créatives et redéfinissent la manière dont nous percevons et valorisons les biens numériques.

Aujourd’hui, les NFT sont mieux connus, grâce aux artistes comme Beeple, ayant conclu une vente à 69 millions de dollars, Vhils ou encore Alexa Meade. Toutefois, la tendance semble actuellement s'essouffler, évoquant un phénomène de bulle bien connu dans d'autres domaines (notamment celui des cryptomonnaies).

Une oeuvre content 5000 oeuvres sur 2021
Capture d'écran de l'œuvre EVERYDAYS: THE FIRST 5000 DAYS, 2021, de Beeple

Aujourd’hui, le numérique joue un rôle majeur dans la visibilité et le succès des artistes, notamment grâce aux diverses plateformes permettant de partager, promouvoir et vendre leur travail. Les réseaux sociaux offrent l’opportunité d’interagir et de développer une communauté, tout en permettant aux créateurs·rices de gérer leur propre diffusion. Quant aux NFT, ils ont également bouleversé l’industrie artistique en transformant la manière de consommer et surtout de valoriser l’art numérique : reste à voir quelle sera leur popularité à l'avenir.

Références :

[Photo de couverture : Cristofer Maximilian]

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