« Chat Control » : une surveillance de masse en ligne pour protéger les enfants ?
Depuis plusieurs mois, une polémique enfle autour du projet européen surnommé « Chat Control ». Derrière ce nom se trouve un règlement visant à lutter contre la pédopornographie en ligne. Présentée en 2022, la proposition prévoit d’imposer aux plateformes de communication, réseaux sociaux, messageries et services chiffrés (comme WhatsApp, Signal ou Telegram) de détecter et signaler les contenus pédopornographiques.
Pour y parvenir, le projet mise sur une technologie appelée client-side scanning (analyse côté client). Concrètement, un logiciel installé dans les applications analyserait les messages privés avant même qu’ils soient chiffrés. La Commission européenne estime que c’est indispensable, rappelant qu’en 2023, plus de 100 millions de contenus pédopornographiques ont été détectés en ligne, la grande majorité concernant des enfants de moins de 13 ans.
Vers une surveillance massive ?
Cette solution divise. Des associations de défense des libertés numériques (comme La Quadrature du Net) ou la CNIL (Commission nationale de l'informatique et des libertés) redoutent une surveillance généralisée de toutes les conversations. Ils alertent aussi sur le risque de « faux positifs » : des photos ou discussions parfaitement légales pourraient être signalées à tort. Plusieurs pétitions circulent déjà sur Internet pour demander l’abandon du projet.
La critique gagne aussi le terrain politique. Dans une tribune publiée mi-septembre par le journal Libération, le député LFI Rodrigo Arenas affirme que la lutte contre les abus sexuels sur mineur·es est une priorité, mais qu’elle ne doit pas se faire « au prix d’une surveillance généralisée ». Il plaide pour d’autres solutions, estimant que ce règlement menace directement les droits fondamentaux et s’imposerait aux États sans débat parlementaire.
Un texte encore loin d’être adopté
Contrairement à ce que l’on peut lire sur les réseaux sociaux, rien n’est décidé. Le texte est encore en négociation et n’a pas été adopté. Le Parlement européen a même déjà voté contre un scan généralisé, préférant des mesures ciblées et limitées dans le temps.
Le projet est aujourd’hui bloqué au Conseil de l’Union européenne. Une quinzaine de pays, dont la France, sont favorables au projet. D’autres comme l’Allemagne, les Pays-Bas ou la Pologne s’y opposent. Sans accord, la loi ne peut pas avancer. Même si un compromis est trouvé, il faudra encore plusieurs étapes avant une adoption définitive.
Le texte sera examiné au Conseil de l’UE le 14 octobre. Mais faute de consensus depuis trois ans, son avenir reste très incertain.
Références :
- Commission Européenne - Proposition de Règlement du Parlement européen et du Conseil établissant des règles en vue de prévenir et de combattre les abus sexuels sur enfants
- Euro News - Is the EU about to start scanning your text messages ?
- Fight Chat Control EU - L'UE veut (encore) scanner vos messages privés et photos
- France Inter - "Chat control", pourquoi ce règlement européen fait débat ?
- La Quadrature du Net - La surveillance de nos communications se joue maintenant à Bruxelles
- Libération - Tribune : Chat control et l'UE, protéger les enfants, oui mais pas au prix d'une surveillance de masse.
[Photo de couverture : Chris Yang]
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