Comprendre le manque de parité dans la Tech

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Isabelle CytowiczIsabelle Cytowicz

6 min

Comprendre le manque de parité dans la Tech

Le secteur du numérique ne cesse d’évoluer et de faire apparaître de nouveaux métiers et compétences. Pourtant, sous ses airs ultramodernes, le monde de la Tech perpétue les inégalités, notamment en termes de parité.

Une sous-représentation féminine très récente

Selon une étude de l’INSEE parue en 2023, seulement 24 % des emplois dans les professions du numérique sont occupés par des femmes. Celles-ci sont principalement recrutées à des postes dans la communication ou la relation client, tandis que les hommes occupent des métiers plus techniques.

Il n'en a pas toujours été ainsi : le premier programme informatique a été inventé par Ada Lovelace, une mathématicienne britannique qui a écrit les premières lignes de code en 1843. Par la suite, de nombreuses personnalités féminines ont été des pionnières d’Internet, comme Hedy Lamarr (actrice, productrice et scientifique américaine) qui a déposé en 1941 le premier brevet de sécurisation des télécommunications. Ou encore Grace Hopper, informaticienne de la marine américaine, qui a imaginé le premier modèle d’ordinateur en 1952. Dans les années 1950, la moitié des effectifs du secteur informatique était constitué de femmes.

C’est dans les années 1990 que tout a basculé : l’informatique est devenue un domaine stratégique pour les entreprises et les gouvernements du monde entier. Elle a gagné en prestige, attirant de plus en plus d’hommes dans ses rangs et excluant peu à peu les femmes. Tandis que 20 % d’entre elles travaillaient dans la cybersécurité à la fin du siècle dernier, elles n’étaient plus que 11 % en 2020. Cette masculinisation du secteur a fortement contribué à creuser les inégalités actuelles.

De la difficulté à se faire une place dans la Tech en tant que femme

Dès l’enfance, les femmes sont freinées dans les matières scientifiques, mathématiques et technologiques. D’après l’UNESCO, elles ont généralement peu confiance en elles malgré leurs bons résultats dans ces disciplines. De quoi les éloigner des cursus universitaires, ainsi que des métiers de l’informatique et de l’ingénierie.

Par ailleurs l’univers de la Tech ne bénéficie pas d’une image très rassurante pour les femmes. Plusieurs affaires ont affiché au grand jour l’ambiance sexiste dans certaines entreprises du secteur. A cet égard, le cas Ubisoft (grande entreprise française de jeux vidéo) a fait couler beaucoup d’encre : la condamnation de trois anciens cadres pour harcèlement sexuel, moral et tentative d’agression sexuelle a mis en lumière un environnement de travail toxique pour les employées. Dans la Silicon Valley, Mark Zuckerberg a quant à lui décidé de supprimer plusieurs programmes majeurs en faveur de la diversité dans le recrutement chez Meta. Une décision qui intervient après des prises de position masculinistes de la part du fondateur de Facebook.

Enfin, les entrepreneures se heurtent également à des murs lorsqu’il s’agit de trouver des financements afin de lancer leur start-up. Selon le collectif SISTA, qui s’engage pour plus de diversité dans l’entrepreneuriat, sur les 15 milliards d’euros levés en France en 2022, seulement 11 % des équipes fondatrices de start-up étaient féminines ou mixtes, contre 86 % d’équipes entièrement masculines.

Des objectifs de parité concrets pour l’avenir ?

En France, l’inclusivité est un enjeu pour le gouvernement qui lancé le programme TechpourToutes. Celui-ci vise à soutenir les lycéennes, étudiantes et jeunes diplômées durant leur parcours dans le numérique. Elles pourront par exemple bénéficier d’ateliers de découverte de la filière, de mentorat par des professionnelles, ou encore de mise en relation avec des incubateurs. D’ici 2026, 10 000 femmes devraient être accompagnées grâce à ce programme.

La Mission French Tech, administration de l’État chargée de fédérer les start-up dans l’Hexagone, a également lancé en 2022 le Pacte Parité afin de renforcer la place des femmes dans la Tech. À ce jour, 700 entreprises et 70 start-up sont signataires de cet accord. Ces dernières semblent faire de la parité une priorité : d’après une enquête réalisée pour les 10 ans de la French Tech, 85 % des dirigeant·es (de ces 70 start-up) se sont fixés des objectifs à atteindre dans ce domaine au sein de leur entreprise.

En parallèle, quelques leadeuses parviennent à tirer leur épingle du jeu, à l’image de la fondatrice de Bumble (une application de rencontre) Whitney Wolf Herd, devenue la plus jeune self-made-woman milliardaire au monde. En France, nombreuses sont celles qui s’engagent pour rendre le secteur plus inclusif et responsable. Parmi elles, Roxanne Varza, directrice de l’incubateur Station F, qui accompagne les femmes dans leur projet entrepreneurial. Ou encore Céline Lazorthes, fondatrice de Leetchi et cofondatrice du collectif SISTA.

Il reste encore beaucoup de chemin à parcourir pour atteindre un équilibre dans le domaine des nouvelles technologies. Toutefois, l’émergence de collectifs et de programmes en faveur de l’égalité des sexes donne de l’espoir pour les générations futures. Les États prennent conscience que la parité peut être bénéfique pour l’économie et la société. L’UNESCO estime que doubler la part de femmes dans la Tech d’ici 2027 pourrait faire progresser le PIB mondial de 600 milliards d’euros… à bon entendeur.

Références :

[Photo de couverture : WOCinTechChat]

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