Rencontres en ligne : quand les histoires d'amour deviennent lucratives
L'industrie des sites de rencontre connaît une expansion continue, générant plusieurs milliards de dollars et gagnant toujours plus en popularité. Mais de quelle manière, en capitalisant sur l'amour, ces grandes plateformes parviennent-t-elles à assurer leur rentabilité ?
Le Covid-19, accélérateur des rencontres en ligne
La pandémie de coronavirus a fortement modifié le paysage des rencontres. Les confinements et les restrictions sociales ont incité davantage de personnes à se tourner vers les applications de rencontre en ligne. Une manière de maintenir des liens sociaux tout en respectant les mesures de distanciation physique.
Ce n'est pas un hasard si le secteur a connu une forte hausse au cours de cette période. De nombreuses personnes célibataires ont fait l'expérience de la solitude, privées de contact avec leurs collègues ou camarades d'études. Tandis que des couples, repliés sur eux-mêmes et contraints de passer tout leur temps ensemble, en sont arrivés à se séparer. Parmi elles·eux, un nombre non négligeable de nouveaux·elles utilisateurs·rices prêt·es à tester les rencontres en ligne.
Vivre d'amour et d'eau fraîche ? Pas seulement...
Les applications de rencontre se présentent comme des services altruistes, offrant le moyen de trouver l’amour. Leurs services répondent à l’un des besoins humains les plus essentiels : celui d’affection, d’amour et de socialisation.
Ces plateformes génèrent également de forts intérêts commerciaux et se basent sur de solides modèles économiques chargés d'assurer leur rentabilité. Aujourd’hui, l’industrie des rencontres en ligne génère près de 2,5 milliards d’euros rien qu’aux Etats-Unis et les consommateurs·rices n'hésitent pas à dépenser des dizaines d'euros chaque mois pour trouver leur future âme sœur.
Pour générer du profit, les sociétés ont développé des stratégies de monétisation performantes et variées. De nombreuses applications de rencontre fonctionnent ainsi sur un modèle freemium : l'inscription gratuite permet à tout le monde de découvrir la plateforme, mais il faut souscrire à un abonnement payant pour accéder à l’ensemble des fonctionnalités. Par exemple, pour rendre son profil plus visible ou savoir qui l’a consulté.

Si vous décidez d'opter pour une option payante sur l'une de ces plateformes, vérifiez en priorité :
- L'identité et l'adresse de la société gérant l'application.
- Le tarif de l'abonnement souhaité, les conditions de paiement et la durée de l'engagement.
- Les conditions de renouvellement et les modalités de résiliation.
- Quelles données personnelles sont susceptibles d'être transférées à des tiers - notamment à l'étranger.
- Quel est l'hébergeur de la plateforme et où se situent ses serveurs.
Pour générer des revenus, certaines plateformes proposent aussi des achats intégrés. D'autres jouent sur les options de publicité : l'utilisateur·rice doit faire le choix entre :
- une expérience sans publicité, moyennant finances.
- une navigation gratuite comprenant des annonces commerciales.
Autant de modèles économiques particulièrement performants. A titre d’exemple, Match Group, société mère de nombreuses applications de rencontre (comme Tinder, Hinge ou OkCupid), a vu ses bénéfices augmenter considérablement depuis une dizaine d’années.

Un marché grandissant, de plus en plus diversifié
+8000 sites et applications
de dating sont recensées aujourd'hui à travers le monde, dont 2000 en France.
Source : Bpifrance
De quoi complexifier le choix des célibataires à la recherche de l’élu·e de leur cœur. D'autant plus qu'un large choix de services peut inciter à créer des comptes un peu partout... pour finalement n'en utiliser qu'un ou deux.
La multiplication des applications de rencontres n'est pas sans contraintes pour les nouveaux entrants : se distinguer de la concurrence devient crucial. Une stratégie de différenciation, de plus en plus utilisée, consiste désormais à cibler un public spécifique pour créer des communautés exclusives. Quelques exemples parmi tant d'autres :
- Luxy se présente comme un « entremetteur de millionnaires ».
- The League vise des professionnel·les préalablement sélectionné·es en fonction de leur secteur d'activité, de leur éducation universitaire et de leur réseau LinkedIn, prenant ainsi en compte le niveau d’éducation des individus.
Ce type d'applications de rencontre, focalisées sur des profils élitistes, prospèrent grâce à un modèle économique sélectionnant les utilisateurs·rices. Par exemple l’application de rencontre Toffee (lancée il y a quelques années au Royaume-Uni) est conçue exclusivement pour les personnes éduquées dans le privé. L’adhésion mensuelle est fixée à 5£, ce qui agit dans une certaine mesure comme une barrière d’entrée.

D'autres services de rencontre en ligne tentent quant à eux de se différencier en se concentrant sur les centres d'intérêts et les modes de vie que peuvent partager certain·es utilisateurs·rices. C'est par exemple le cas des plateformes My Green Lovers, Bioflirt ou encore Amours Bio, visant à mettre en relation des personnes sensibles à la protection de la nature, des animaux, etc. L'occasion pour les entreprises de se focaliser sur un segment de marché précis. Et pour les utilisateurs·rices, de faire des rencontres amicales et / ou amoureuses alignées sur leurs valeurs et mode de vie.
Ouvrir son cœur à son élu·e (et aux sociétés de rencontres en ligne)
En y réfléchissant, la quantité de données (particulièment) personnelles collectées par les sites et applications de rencontres en ligne est ahurissante. Des millions de femmes et d'hommes y remplissent des questionnaires de personnalité, renseignant leurs goûts, leurs valeurs et leurs rêves sur des formulaires soigneusement conservés. Autant d'informations traitées par des algorithmes, et stockées pour une durée indéterminée. Une vraie mine de renseignements intimes pour des entreprises cherchant à cerner au plus près le profil de leurs utilisateurs·rices - par exemple pour leur diffuser des publicités ciblées.
Enfin, à l'heure de la généralisation des intelligences artificielles, il se pourrait qu'un beau jour ces informations intègrent un jeu de données servant à entraîner une machine. De quoi réfléchir avant de partager ses envies les plus secrètes sur une plateforme en ligne.
Références :
- Bpi France - Applications de rencontre - un marché comme un autre ?
- Statista - Faits et chiffres concernant les applications de rencontre
- Statista - Revenu du groupe de sociétés "Match Group" (Match.com, Tinder, OKCupid) du premier trimestre 2014 au deuxième trimestre 2022
- La Tribune - Le business model du célibat
- Financial Times - La nouvelle génération d'applications de rencontre
[Photo de couverture : Priscilla Du Preez]
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