Web Summit 2024 : réguler l'IA, ou laisser faire ?

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Jean-Sébastien KleinJean-Sébastien Klein

2 min

Web Summit 2024 : réguler l'IA, ou laisser faire ?

L’intelligence artificielle s'est retrouvée au cœur de ce Web Summit 2024 à Lisbonne. Tous les pays représentés ont amené dans leurs bagages leurs startups dans ce domaine, à grands renforts de quelquechose.ai. Certain·es intervenant·es appellent toutefois, de façon plus ou moins prononcée, à une régulation de cette technologie.

Une IA pour les contrôler tous…

Celui qui porte le sujet de la régulation en étendard est sans conteste Max Tegmark, président de l'Institut Future of Life. Cette association se penche sur les risques que l'IA pourrait faire courir à l'humanité. Pour lui, il n’y a pas de débat : les AGI (Artificial General Intelligence, ou super-intelligences artificielles capable de “raisonner” comme les êtes humains) arriveront bientôt.

Dans ces conditions, il apparaît urgent de réguler leur conception et leur usage. Max Tegmark fait la comparaison avec d’autres industries déjà régulées comme l’automobile, l’aviation ou le secteur pharmaceutique. Selon lui, la création d’une AGI n’est ni nécessaire, ni souhaitable, et les gouvernements devraient agir avant qu’il ne soit trop tard.

Toujours selon lui, le problème de l’absence de régulation est principalement lié aux tensions entre les Etats-Unis et la Chine - chacune de ces superpuissances craignant que l’autre parvienne à créer son AGI en premier. Un remake de la course à l’espace ? Mais potentiellement avec l’avenir de l’humanité en jeu.

La question de l’arrivée des AGI inquiète de nombreuses personnes. Mais qu'en est-il leur degré de menace effectif ? Pour le moment, cela semble davantage relever d'un épouvantail que l’on agiterait pour faire peur. Nourris par cinquante ans de science-fiction, notre inconscient crée une image prédatrice de la technologie.

Pourtant, personne à ce jour n’est capable de donner une définition claire de ce qu’est une AGI. Aucune technologie n’a démontré disposer d'un début de capacité de conscience. Et même si cela devait arriver, pourquoi cette “entité” se montrerait-elle forcément belliqueuse envers les êtres humains ? Pour le moment, c'est surtout un objet sur lequel nous projetons nos craintes.

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L’énergie invisible

Entre les startups gonflées à l’IA sans motif valable, et celles·eux qui se tourmentent à l'idée d'une AGI, il y a finalement assez peu de discours sur la problématique centrale des IA à ce jour : leur consommation d’énergie.

Quelques participant·es abordent tout de même le sujet. Notamment Thomas Wolf, fondateur de la société Hugging Face (start-up consacrée aux outils d'apprentissage automatique). Il pousse à l’adoption de combinaisons de petits modèles d’IA, spécialisés sur une tâche précise. Des modèles bien moins consommateurs en ressources, et beaucoup plus réactifs. Mais la première raison pour laquelle il les met en avant est l’intégration dans la robotique, qui ne peut souffrir de latence.

Quant à Rosanne Kincaid-Smith (directrice des opérations du Nothern Data Group, un gestionnaire de centres de données), elle pousse à la création de petits réacteurs nucléaires modulables directement adossés aux centres de données. Elle imagine un futur où la chaleur dissipée par ces data centers viendrait alimenter et chauffer directement les villes.

Enfin, d’autres acteurs·rices comme Simon Wistow (co-fondateur de Fastly, une suite d'outils pour les développeurs·ses) appellent à plus d’accompagnement des développeurs·ses et à une meilleure régulation pour limiter la consommation énergétique des serveurs.

Business as usual

Même si on sent que la question de l’impact énergétique et social des intelligences artificielles plane dans les esprits, l'édition 2024 du Web Summit reste un événement à l'objectif simple : faire du business. Promouvoir la technologie. Promouvoir les startups. Si certaines d'entre elles embrassent réellement une posture responsable, la plupart servent une proposition de valeur centrée sur l’IA à l'intérêt tout relatif - si ce n’est de profiter du buzz actuel.

A la sortie de ce Web Summit, difficile de croire qu’une régulation de la création et de l’usage des IA viendra des gouvernements ou des entreprises. Les enjeux économiques et géopolitiques sont trop importants, et le risque écologique ou social est (encore un fois) relégué au second plan. A charge pour la société civile de se mobiliser afin de faire bouger les choses ?

[Photo de couverture : Jean-Sébastien Klein]

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