Interdiction, couvre-feu, délit parental : les mesures-phares des députés pour protéger les mineurs sur TikTok
Jeudi 11 septembre 2025 : la commission d'enquête sur les effets psychologiques de TikTok sur les mineur·es a présenté son rapport à l'Assemblée nationale. La rapporteure Laure Miller veut "reprendre le contrôle sur TikTok".
« Nous dressons un constat global accablant de la responsabilité de TikTok, lance le député Arthur Delaporte (Socialistes et apparentés). Ce réseau social dangereux participe à la diffusion d’idéologies extrémistes, comme le masculinisme. Il y a urgence à agir et à sensibiliser le grand public. » L’élu du Calvados introduit, jeudi 11 septembre 2025, depuis l’Assemblée nationale (7e arrondissement de Paris), la présentation du rapport de la commission d’enquête sur les effets psychologiques de TikTok sur les mineur·es, placée sous sa présidence.
Au terme de « plus de trois mois de travail, au cours desquels 178 personnes furent entendues lors de plus de quatre-vingt-dix heures d’audition », Arthur Delaporte présente le texte, adopté à l’unanimité et signé par sa rapporteure, la députée de la Marne Laure Miller (Ensemble pour la République). Celle-ci commence par rendre « un évident hommage aux jeunes victimes des algorithmes », représentées dans la salle par le collectif Algos Victima et sa fondatrice, l’avocate Laure Boutron-Marmion.

Avant de présenter ses recommandations « pour contrer l’assaut des réseaux sociaux sur notre jeunesse », la femme politique diffuse une série de témoignages de jeunes, recueillis dans le cadre de la consultation publique tenue entre le 23 avril et le 31 mai. À l’écran, Orianne, une étudiante de 20 ans, pointe le caractère « anxiogène et addictif » de TikTok. Thibault évoque « l’anxiété et la perte de confiance en soi ». Tess mentionne « les tutoriels de suicide, avec un $ la place du s et un 1 au lieu du i pour contourner la surveillance ».
Le débat sur l'interdiction aux moins de 15 ans
La rapporteure Laure Miller commence par recommander, à l’échelle française, l’interdiction des réseaux sociaux, hors messageries, aux jeunes de moins de 15 ans.
Il faut reprendre le contrôle sur TikTok. Même si, au sein de notre commission, cette proposition fait débat.
Laure Miller
À ses côtés, Arthur Delaporte plaide en effet plutôt pour « un cadre apaisé, progressif, entre 13 et 15 ans », afin de mieux éduquer les mineur·es à l’usage de plateformes de ce genre.
La parlementaire du groupe présidé par Gabriel Attal défend ensuite l’établissement d’un « couvre-feu numérique », de 22 h à 8 h, pour les personnes âgées de 15 à 18 ans, reprenant un type de mesure existant déjà en Chine notamment. Pendant cette fenêtre horaire, elles ne pourraient employer les réseaux sociaux. « Nous connaissons les effets négatifs évidents de TikTok sur la santé physique des jeunes, et notamment sur le sommeil, argumente Laure Miller. L’usage de ce réseau social a des répercussions sur les heures de coucher et de réveil. »
Parmi ses recommandations immédiates, se trouve aussi la « décroissance digitale au sein de l’Éducation nationale », avec notamment la généralisation du dispositif Portable en pause dans l’ensemble des établissements scolaires.
Pour ces trois points, la députée affirme vouloir aller vite : « Nous pourrions arriver au printemps prochain avec tout cela à mettre en œuvre. Le moment est venu ! D’autant plus que, dans une période politique troublée, ce sujet peut nous rassembler, nous, élus de tous bords. »
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Un message sur les réseaux dans le carnet de santé
Les recommandations du rapport de la commission d’enquête à propos des effets psychologiques de TikTok sur les mineur·es visent aussi les parents. « Les dispositifs de contrôle parental ne sont pas encore bien appropriés », dénonce Laure Miller.
D’abord, un volet de sensibilisation est présenté par les parlementaires. Le texte propose, par exemple, d’intégrer au carnet de santé attribué à la naissance un message concernant l’utilisation des réseaux sociaux.
En plus de cela, la rapporteure propose de mettre en place « un label pour les téléphones sans accès à Internet, encore trop peu connus des parents ». Pour appuyer cette recommandation, l’élue met notamment en avant une statistique établie par le Centre de recherche pour l’étude et l’observation des conditions de vie (Crédoc) dans son baromètre le plus récent, publié en mars 2025 :
96 %
des mineur·es français·es âgé·es de 12 à 17 ans possèdent un smartphone.
Credoc
Mais le rapport ne se cantonne pas au registre de la prévention vis-à-vis des parents. La commission propose ainsi la création d’un « délit de négligence numérique ». Elle viserait à « sanctionner les manquements graves de certains parents à leurs obligations de protection de la santé et de la sécurité de leurs enfants ». Avec cette recommandation, Laure Miller appelle à « la responsabilisation ». La mise en place d’un tel dispositif suivrait « une campagne d’information massive sur les risques liés à l’utilisation des réseaux sociaux ».
"Standards minimaux de conditions de travail des modérateurs"
Au-delà de « ce combat de David contre Goliath » à l’échelle française, le duo Miller-Delaporte se tourne vers l’Union Européenne, « le grand maître du jeu en matière numérique ». En ce sens, il se place dans le cadre du Digital Fairness Act (Législation sur l’équité numérique), en cours d’élaboration, visant à répondre aux « lacunes en ce qui concerne la protection des consommateurs en ligne ». À ce sujet, la Commission européenne a ouvert, le 17 juillet, une consultation publique. Cette dernière se clôturera le 24 octobre.
L’un des angles les plus saillants des propositions de la commission d’enquête parlementaire vise la modération des plateformes comme TikTok. « Il faut développer des standards minimaux en matière de contenu et de durée des formations des modérateurs, mais aussi en matière de conditions de travail », appuie Laure Miller. Malgré leur implication, les signaleurs de confiance français ne suffisent pas. La députée de la Marne résume ainsi leur mission : « Vider l’océan avec une petite cuillère trouée… »
En définitive, les député·es poursuivent une longue bataille contre l’un des maîtres de « l’économie de l’attention, voire de la manipulation ». Ce rapport sur TikTok en constitue simplement une nouvelle étape. « Il nous faut maintenant déposer une proposition de loi rapidement », annonce Laure Miller.
De son côté, Arthur Delaporte adresse aussi, ce jeudi 11 septembre, un courrier à la Procureure de la République de Paris afin de possiblement « engager la responsabilité de la plateforme TikTok ». On le voit, ce vaste sujet ne passera pas avec un simple scroll.
Références :
- Assemblée nationale - Commission d’enquête sur les effets psychologiques de TikTok sur les mineurs
- Vie publique - Baromètre 2025 du numérique : le smartphone, équipement numérique le plus répandu
- Commission européenne - Législation sur l'équité numérique
- Ministère de l'Éducation nationale - Interdiction du téléphone portable dans les écoles et les collèges et pause numérique
[Photo de couverture : Nick Fancher]
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