Ma carte vitale balance : chaque pharmacien peut mettre son nez dans mes traitements grâce au dossier pharmaceutique
Tou·tes les pharmacien·nes de France peuvent accéder à la liste des médicaments et vaccins qui vous ont été délivrés. Sur la base de ces informations personnelles, ils/elles peuvent refuser de vous remettre un traitement prescrit. Par hasard, j'ai découvert que je possédais un dossier pharmaceutique (DP-Patient), comme des millions de français. Je l'ai fait supprimer, avant d'empêcher sa création pendant 3 ans.
Tout commence par une visite chez mon pharmacien de quartier. Une ordonnance de renouvellement à la main, je pars récupérer les médicaments que je prends depuis plus de 6 mois.
Le pharmacien regarde mon ordonnance et passe quelques minutes sur son ordinateur.
Puis il m'indique qu'il refuse de me délivrer mon médicament. La raison : j'ai déjà récupéré une boîte il y a 3 semaines. Je vous passe le discours infantilisant, devant ma femme et mon fils, sur un potentiel abus de médicaments de ma part.
En y réfléchissant, je me suis dit que ce professionnel de santé avait sûrement eu accès, grâce à ma carte vitale, à un historique des médicaments qui m'ont été délivrés. J'ai donc décidé d'y retourner et de demander la suppression de ces données personnelles, en vertu du règlement européen sur la protection des données personnelles (RGPD).
Les pharmaciens de cette officine n'ont pas caché leur colère face à ma requête.
Je n'ai jamais entendu ça en 35 ans de carrière... dans ce cas, n'utilisez plus votre carte vitale, jetez votre téléphone et partez habiter bien loin dans la campagne !
Les sous-entendus n'ont pas manqué : trafic de médicaments, dépendance, consommation excessive... bref, si je souhaitais supprimer mes données, c'est forcément parce que j'avais des choses à cacher.
Ces professionnels se sont défendus en m'indiquant qu'ils ne partageaient aucune donnée à des tiers. Ils m'ont aussi informé qu'il était impossible pour eux de supprimer mes données : elles leur sont indispensables pour les remboursements de la sécurité sociale.
Repartant bredouille, et bien échaudé par la situation, j'ai effectué quelques recherches. Au hasard d'un tweet, j'ai trouvé ma réponse. Il existe bien un outil largement utilisé par les pharmaciens et complètement méconnu du grand public : le dossier pharmaceutique (ou DP-Patient). J'en possédais un sans le savoir, ce qui avait permis au pharmacien de refuser de me remettre mon traitement.
Le dossier pharmaceutique (DP-Patient)
Voici la définition du dossier pharmaceutique donnée par la CNIL (Commission Nationale de l'Informatique et des Libertés) :
Le Dossier Pharmaceutique (DP) est un fichier informatique, géré par voie électronique, utilisé principalement par les pharmaciens. Il a pour objectif de déceler, de signaler au patient les risques de réactions négatives entre plusieurs médicaments et d’éviter le cumul de leurs effets secondaires.
L’ouverture d’un Dossier Pharmaceutique est facultative et nécessite votre consentement.
La diffusion du DP-Patient a été très rapide puisque près de 99,9 % des officines sont raccordées aujourd’hui, contre 23 % en décembre 2008. Au 31 octobre 2019, il y a 45,2 millions de dossiers pharmaceutiques, dont 38,5 millions ont été consultés ou alimentés au moins une fois au cours des douze derniers mois. (Source : Cour des Comptes, Rapport public annuel 2020 - Le dossier pharmaceutique : un outil au service de la santé publique).
Ces dossiers numériques sont stockés sur les serveurs de Docaposte (filiale de La Poste). D'après l'hébergeur de ces données, 3 millions de requêtes sont lancées chaque jour pour accéder aux dossiers des patients.
Un·e patient·e utilisant sa carte vitale en pharmacie possède donc très probablement un dossier pharmaceutique. Celui-ci contient la liste des médicaments délivrés ainsi que la date, l'heure et l'officine où ils ont été récupérés. Ce dossier est accessible par tou·tes les pharmacien·nes sous réserve que l'usager·e en possède un.
Moi aussi, je dispose d'un dossier pharmaceutique... créé à mon insu. Personne ne m'a informé de son existence, ni demandé mon consentement pour le recueil de mes données. J'ai vite réalisé que le problème concernait de nombreux·ses français·ses.
D'après le rapport de la Cour des comptes :
La CNIL a été saisie d’une quinzaine de plaintes d’usagers et de pharmaciens pour des ouvertures sans consentement. Ce faible nombre pourrait s’expliquer par le déficit d’information des patients, qui ignorent souvent s’ils disposent ou non d’un dossier pharmaceutique.
A compter du 1er janvier 2022, la création automatique d’un dossier pharmaceutique est prévue pour chaque patient·e. A moins que celui-ci ne manifeste son opposition. (Source : [la revue Tous Pharmacien N°14 - page 32)
Tous les français·es sont désormais encore plus concerné·es qu'auparavant. Pourtant, je n'ai remarqué aucune différence en pharmacie : ni affiche d'information, ni nouveau discours.
De mon côté, j'ai réalisé les démarches nécessaires pour le supprimer, et bloquer toute nouvelle création pendant les 3 prochaines années.
Mais auparavant, j'ai souhaité rencontrer mon dossier pharmaceutique afin d'apprendre à le connaître.
Votre pharmacien·ne vous a-t-il/elle demandé s'il pouvait créer votre dossier pharmaceutique ?
[Photo de couverture : Dmitry Ratushny]
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