La France sur la pente d'un numérique autoritaire ?

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Jérémy PASTOURETJérémy PASTOURET

4 min

La France sur la pente d'un numérique autoritaire ?

Le numérique, outil incontournable en politique, est de plus en plus centralisé par les Etats et parfois subi par les citoyens•nes. Nos votes façonneront un avenir plus ou moins désirable dans ce domaine, souvent perçu comme immatériel mais aux conséquences très concrètes sur notre quotidien.

En tant que média du numérique responsable, éthique et inclusif, notre focus se fait sur les sujets en lien avec le numérique. En ce qui concerne les résultats aux élections européennes du 9 juin, ayant placé l’extrême droite en tête en France, nous sommes conscient·es qu'ils ne découlent pas (ou alors, très peu) des propositions des candidat·es concernant le numérique.

Cependant, le numérique a été massivement utilisé tout au long de ces élections. Il le sera tout autant, voire davantage, pendant ce délai très court qui nous sépare des élections législatives imposées par le président de la République.

Quoi qu'il en soit, le scrutin européen de juin aura des conséquences déterminantes dans le domaine du numérique.

L'Union Européenne façonne le numérique

Il suffit de se rappeler les mesures et règlementations mises en œuvre par l'UE ces dernières années (liste non-exhaustive) :

  • Le RGPD (Règlement général sur la protection des données) : un règlement qui a transformé le Web en Europe, en permettant aux citoyen·nes européen·nes de reprendre le contrôle sur leurs données personnelles et d'avoir leur mot à dire sur leur usage. Un droit que certaines entreprises "oublient" encore parfois de respecter : la mise à jour de la politique de confidentialité de Meta, visant à utiliser les données des utilisateurs·rices pour alimenter son IA, est significative à cet égard.
  • L'IA Act (Loi sur l'intelligence artificielle) : vise à rendre transparente la manière dont les IA sont entraînées. Cette loi a également pour but de classer les IA selon leur degré de dangerosité, et interdit leur utilisation dans certains cas sensibles : notation sociale, création de bases de données de reconnaissance faciale...
  • Le DSA (Digital Services Act - Règlement sur les services numériques) : cette règlementation lutte contre les contenus illicites, et oblige les géants du Web à faire preuve de plus de transparence en ligne. Notamment en ce qui concerne l'algorithme d'affichage des contenus, ainsi que la protection des mineurs sur les grandes plateformes comme TikTok, Temu, Amazon...

Que se passe-t-il lorsque le numérique tombe entre de mauvaises mains ?

Même si le numérique, et surtout la façon dont on peut s'en servir, est peu présent (et expliqué aux citoyen·nes) dans les débats politiques, il s'agit d'un outil particulièrement puissant. Son utilisation à des fins malintentionnées peut avoir de graves conséquences, comme nous pouvons le constater régulièrement :

  • Les cyberattaques : par exemple, la prise en otage des appareils numériques reposant sur un cryptage des données avec un ransomware (rançongiciel). En France, des sites ministériels et des infrastructures essentielles comme les hôpitaux cessent régulièrement de fonctionner suite à une surcharge de demandes adressées aux serveurs (à l'occasion d'attaques de rupture de service).
  • Les ingérences d'autres pays : par exemple la création et diffusion de fake news, destinées à souffler sur les braises lors de crises sociales en manipulant l'opinion.
  • La coupure d'accès aux réseaux sociaux : en mai 2024, l'Etat français a coupé TikTok pendant les émeutes en Nouvelle-Calédonie, justifiant entre autres cette décision par sa volonté de limiter les contacts entre les émeutier·es.

A ce titre, d'autres décisions du gouvernement actuel incitent à la vigilance : on peut notamment citer l'autorisation de recourir à l'intelligence artificielle dans le cadre d'une surveillance de masse pendant les Jeux Olympiques 2024.

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Un numérique autoritaire pourrait ressembler à ça...

Un coup d’œil à l'étranger suffit pour constater à quel point le numérique, loin d'être neutre, se met au service des gouvernements (plus ou moins autoritaires) :

  • En Russie, Google, et Facebook ne sont pas accessibles. Les russes utilisent Yandex, un équivalent de Google aux liens bien établis avec le gouvernement. De quoi surveiller les habitudes de navigation de la population, contrôler le contenu diffusé et indexé...
  • La Chine se sert d'applications populaires comme WeChat (équivalent de WhatsApp) et Alipay (solution de paiement par téléphone appartenant à Alibaba) pour récolter des données sur les citoyen·nes. Celles-ci sont utilisées par le gouvernement pour les évaluer (avec un système de "crédit social") en vue d'autoriser ou non un crédit bancaire, le droit de voyager...
  • La Chine s'est aussi illustrée en matière d'intelligence artificielle, en développant un outil basé sur la manière de penser du président Xi Jinping : ChatXiPT. On imagine aisément les applications de cette technologies sur le contrôle des idées, ou encore le remodelage de l'Histoire selon l'idéologie du parti.

C'est fou, ce que de simples bulletins peuvent changer

Nous nous trouvons dans une période critique pour la démocratie, pour plusieurs raisons :

  • La guerre entre l'Ukraine et la Russie, aux frontières de l'Europe.
  • Les transformations engendrées par l'IA sur nos vies et notre travail.
  • La crise environnementale...

En France, la dissolution de l'Assemblée Nationale s'apprête à rebattre les cartes. Chaque parti s'efforcera d'en tirer profit pour exercer davantage de pouvoir, et c'est leur droit. En tant que citoyen·nes, le nôtre consiste à s'intéresser de près aux propositions de celles et ceux qui s'imaginent déjà député·es. Avant, bien sûr, d'aller voter en conscience. C'est le meilleur moyen de garantir le respect de nos libertés (notamment numériques) au sein de l'hémicycle.

Références :

[Photo de couverture : Chris Yang]

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