Plus besoin de ChatGPT pour traduire ou résumer un texte : la Commission Européenne offre ses services d'IA

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Jérémy PASTOURETJérémy PASTOURET

4 min

Plus besoin de ChatGPT pour traduire ou résumer un texte : la Commission Européenne offre ses services d'IA

La Commission Européenne propose désormais ses propres outils de traduction, résumé ou génération de texte par IA. A la clé, plus de souveraineté... mais dans quelles conditions ?

La Commission Européenne est une institution centrale au rôle législatif : elle propose et met en application les politiques communautaires. Sa particularité : rassembler des membres de langues et de cultures diverses. D'où son besoin d'outils numériques performants pour améliorer les échanges, analyser des rapports...

Pour contourner le recours aux services non-européens (comme ChatGPT, Gemini...) dans le cadre de travaux de traduction, résumés ou encore génération de rapports, la Commission offre désormais ses propres solutions basées sur l'intelligence artificielle. Spécialisées dans des tâches spécifiques, elles sont destinées aux européen·nes.

Ces services sont mis à la disposition des institutions, des administrations publiques, des universités, des PME et d’autres tiers admissibles de l'UE dans le cadre du programme pour une Europe numérique. Il s'agit de pages web ou d'API pour un accès de machine à machine. L’enregistrement est obligatoire.

Language-tools EC Europa

Autant de services d'IA souverains, basés en Europe et entraînés sur des données de qualité. Plus légers que leurs concurrents généralistes, ils sont également moins impactants.

Les services mis à disposition : eTranslation - Obtenir une traduction automatique générée par un moteur neuronal entraîné sur l’historique des traductions de l'UE effectuées par des professionnels. eBriefing  Produire des rapports dans un style «formel» ou «général» sur la base d'une série de documents. eReply - Laissez l’IA vous aider à préparer vos réponses à des courriers, des questions et d’autres demandes. eSummary - Résumer en un clin d'œil le contenu de longs documents., Post multilingue - Traduire d'un coup en plusieurs langues de courts textes destinés à être publiés sur X. Reconnaissance vocale (Speech-to-Text) - Télécharger un média et en obtenir la transcription intégrale ou les sous-titres. Outils de traitement du langage naturel (NLP) - Anonymisation, classement et reconnaissance des entités citées.
Language-tools EC Europa

Après avoir créé un compte, il suffit d'accéder au service souhaité. Chacun comporte des paramètres et des fichiers à importer différents : zoom sur trois de ces services proposés par la Commission Européenne.

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eTranslation

Cet outil a été entraîné sur l'historique des traductions effectuées par des professionnel·les travaillant pour l'Union Européenne.

Une interface contenant d'un côté un texte à traduire et de l'autre le texte traduit, il y a également des paramètres à renseigner comme la langue source, cible mais aussi le type de contenu à traduire (santé public, texte de l'UE...)
Capture d'écran de l'outil eTranslation

Dans son approche, cet outil se révèle assez basique : il faut sélectionner la langue source et la langue de traduction. Des paramètres supplémentaires sont disponibles pour spécifier le domaine (par exemple traduire une jurisprudence ou des documents traitant de la santé publique).

Du côté de la sécurité des données transmises :

Les données sont traitées dans un environnement sécurisé et supprimées rapidement.

Source : Brochure de la Commission présentant eTranslation

Face à la popularité des outils de traduction par IA basés hors Europe, on peut se dire qu'il est préférable d'utiliser une solution européenne. Un tel service pose toutefois des questions d'éthique et de sobriété :

  • Quelle place pour les traducteurs·rices professionnel·les à l'avenir, si l'Union Européenne elle-même propose un outil de traduction par IA ?
  • Quels sont les usages de ce service en interne par les membres de la Commission ? La question se pose notamment du fait des problématiques de biais et de dénaturation des termes employés par l'intelligence artificielle. En effet, un·e professionnel·le de la traduction maîtrise les nuances du vocabulaire, essentielles pour défendre des idées ou encadrer précisément des pratiques. L'IA, quant à elle, se base sur des probabilités et ne comprend pas ce qu'elle écrit. De quoi se retrouver avec une traduction faussée, ou insuffisamment poussée pour saisir les subtilités du texte d'origine.
  • Le modèle est-il disponible en open-source ?
  • Enfin, à l'échelle de l'UE, quelle est la proportion d'institutions publiques, d'entreprises ou d'universités qui sont au courant de l'existence d'un tel dispositif ?

eSummary

La plupart de ces questions se posent également pour les autres services proposés par la Commission, comme eSummary qui permet de résumer des longs textes "en un clin d’œil". Partant du principe que l'institution utilise elle aussi cet outil, comment s'assurer que le résumé récapitule réellement les informations primordiales, sans déformation ? A l'heure d'une optimisation du temps et des budgets, ne risque-t-on pas de rater des données essentielles à force de déléguer ces missions à des algorithmes ?

Post multilingue

Autre outil surprenant : une IA permettant de générer des publications multi-langues sur X, la plateforme controversée possédée par le milliardaire américain Elon Musk. Le service limite le nombre de caractères et intègre un bouton pour poster directement le contenu généré. Pourquoi inciter à poster sur ce réseau social en particulier ? Espérons que ce service retirera sa restriction en termes de caractères, permettant d'y recourir pour publier des textes sur d'autres plateformes.

En dépit de ces problématiques, ces diffrents outils constituent des alternatives valables pour les européen·nes dans une optique de souveraineté, à la fois pour les administrations publiques et les organisations privées. De quoi reprendre le contrôle face aux géants américains et chinois du numérique, et réduire notre dépendance à leurs services dans un contexte tendu - et alors que l'élection de Donald Trump promet de rebattre les cartes dans ce domaine critique.

Références :

[Photo de couverture : Commission Européenne]

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